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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

mercredi 28 octobre 2009

Chronique de novembre 2009




Jan Karski ou le devoir de mémoire selon Yannick Haenel.


L´Histoire,la grande Histoire,on la nourrit de témoignages. Des témoignages de ceux qui l´ont vécue, soient-ils des protagonistes, soient-ils des personnalités secondaires. C´est que, contrairement à ce que l´on croit d´ordinaire,l´Histoire,la grande Histoire,est également tissée de petites histoires de citoyens anonymes qui ont mené un combat-parfois en sourdine-pour infléchir le cours des événements.
En Europe,lors de la seconde guerre mondiale,nombre de résistants ont lutté inlassablement, poussés par le seul désir de sauver leur vie ou celle des autres, ou par une volonté indomptable d´arracher le visage monstrueux de la barbarie tel que les imaginations les plus fertiles n´avaient jamais pu le concevoir.
L ´écrivain français Yannick Haenel dans son dernier roman(pour certains plutôt un essai) Jan Karski, publié en septembre aux éditions Gallimard,trace le parcours d´un de ces personnages qui ont refusé de se taire. Jan Karski, on l´avait découvert dans le magnifique film de Claude Lanzmann sur la Shoah.Ce témoignage-là était très éloquent. Jan Karski n´a pas beaucoup parlé, mais dans ce genre de témoignage,à côté des bribes de phrases,le silence et le regard sont tout aussi éloquents.
Yannick Haenel a divisé le roman en trois parties.Au premier chapitre, l´auteur s´en tient aux paroles tenues par Jan Karski dans son entretien avec Claude Lanzmann. Au deuxième chapitre, il résume en quelque sorte le livre que Jan Karski lui-même a écrit et publié aux Etats-Unis en 1944, intitulé Story of a Secret State. Enfin, au troisième chapitre,il s´appuie sur certains aspects de la vie de Jan Karski et en fait une fiction.
L´histoire du livre est ainsi resumée dans la quatrième de couverture: «Varsovie 1942. La Pologne est dévastée par les nazis et les Soviétiques. Jan Karski est un messager de la Résistance polonaise auprès du gouvernement en exil à Londres. Il rencontre deux hommes qui le font entrer clandestinement dans le ghetto, afin qu´il dise aux Alliés ce qu´il a vu, et qu´il les prévienne que les Juifs d´Europe sont en train d´être exterminés. Jan Karski traverse l´Europe en guerre,alerte les Anglais, et rencontre le président Roosevelt en Amérique...»
Yannick Haenel a su mener le récit de main de maître, nous tenant en haleine tout le long de l´histoire. Certains lui reprochent son procédé,mais le grand mérite de Yannick Haenel est celui d´accorder tous les honneurs du livre à la figure du témoin et le témoin ici n´est autre que Jan Karski. En épigraphe du roman, il y a d´ailleurs la magnifique phrase d´un rescapé d´Auschwitz, le grand poète Paul Celan: «Qui témoigne pour le témoin? » Yannick Haenel évoque d´ailleurs l´importance de la figure du témoin dans un entretien au numéro de septembre du magazine Transfuge:«Le témoin est un porteur de phrases, en cela il ressemble à la figure de l´écrivain. Mais il porte surtout avec lui du temps-le temps qu´il aura fallu pour que l´on accepte son témoignage. L´histoire des témoins au vingtième siècle reste à faire. Leur deuil, leur détresse, leur énergie. Quuelque chose du très ancien courage de la parole prophétique est passé en eux. À travers l´expérience de Jan Karski, on peut mesurer la résistance qu´une telle parole peut susciter.»
Un des reproches que l´on adresse à Yannick Haenel c´est l´insistance, à travers les paroles de Jan Karski, dans la dénonciation de l´indifférence des Alliés devant le génocide des Juifs. Ne risque-t-on pas, pourrait-on se demander,de réduire de la sorte la culpabilité des nazis dans le déclenchement de la barbarie?Yannick Haenel y répond dans le même entretien:«Je ne pense pas être spécialement sévère avec les Alliés. Leur passivité est connue, elle a été établie par les historiens(...)Il ne s´agit en aucune façon pour moi de réduire la culpabilité des nazis. Je montre juste, à travers l´expérience dont est victime Jan Karski,que les Alliés ne sont pas innocents,et que si on cherche aujourd´hui encore à le faire croire c´est par intérêt.Les Anglais et les Américains ont fait plus que se taire, comme vous dites:ils ont décidé de ne pas accueillir de réfugiés juifs,ce verrouillage condamnait à mort les juifs d´Europe.Qu´on le veuille ou non,Jan Karski est un témoin de ce verrouillage.»
Cette indifférence des Alliés s´est d´ailleurs prolongée après la fin de la guerre. On n´ignore pas que les témoignages des rescapés des camps de concentration et d´extermination n´étaient pas vus d´un bon oeil, comme si l´on se sentait mal à l´aise devant ces témoignages, comme si l´on voulait oublier au plus vite cette période noire de l´histoire de l´humanité.On connaît par ailleurs les difficultés que nombre d´auteurs ont eues pour publier leurs témoignages.On vous rappelle que Si c´est un homme de Primo Levi a été publié par De Silva un petit imprimeur de Florence avant d´être récupéré par Einaudi beaucoup plus tard. Ces témoinages dérangeaient puisqu´ils plaçaient en quelque sorte les Européens devant leur indifférence. À un moment donné, alors que les témoignages et les livres sur l´expérience concentrationnaire abondaient, on a crié «Plus jamais ça».Pourtant, ce cri de révolte n´a pas empêché que à la la fin du vingtième siècle l´Europe fût à nouveau tombée dans la barbarie et la fureur génocidaire, cette fois-ci dans l´ex-Yougoslavie, et encore une fois devant l´indifférence du vieux continent.
Yannick Haenel nous rappelle avec ce livre et l´évocation de la figure de Jan Karski que le devoir de mémoire doit faire partie du patrimoine culturel européen. Yannick Haenel d´ailleurs suit un parcours singulier au sein de la nouvelle génération d´écrivains français nés à la fin des années soixante du siècle précédent(en l´occurrence 1967). Professeur de français jusqu´en 2005, Yannick Haenel est à présent un des animateurs de la revue Ligne de risque chez Gallimard. En 2007, il a publié un roman fort remarqué- Cercle- qui racontait l´errance d´un homme dans Paris et son odyssée qui l´a conduit ensuite en Europe de l´Est(Berlin, Varsovie, Prague),un livre qui s´est vu attribuer le prix Décembre 2007 et le prix Roger Nimier 2008. Jan Karski a déjá été couronné du prix Fnac 2009 et se trouve encore en lice pour les prix littéraires de cet automne.
Yannick Haenel, un nom sur lequel il faudra désormais compter quand on évoquera la nouvelle littérature française.

vendredi 16 octobre 2009

Jacques Chessex(1934-2009)


En raison d´une panne dans mon ordinateur,ce n´est qu´aujourd´hui même, en lisant la Newsletter du Nouvel Observateur, que j´ai appris la mort, le 9 octobre, du grand écrivain et peintre suisse Jacques Chessex. Auteur de L´Ogre(prix Goncourt 1973),du Vampire de Ropraz et de Juif pour l´exemple, il était, à mon avis, un des plus grands écrivains vivants de langue française. Dans une de mes prochaines chroniques mensuelles, je lui rendrai l´hommage qu´il mérite.

P.S(le 17 octobre)-Je vous conseille de lire le dossier qui lui a été consacré dans l´hebdomadaire suisse Hebdo(hebdo.ch) aussi bien que l´article de Jérôme Garcin dans Le Nouvel Observateur(hebdo.nouvelobs.com).

mercredi 14 octobre 2009

Un nouveau livre de Deana Barroqueiro


Demain, il ne faut pas rater dans l´espace culturel de Corte inglés à Lisbonne la présentation du roman O espião de D.João II, le dernier titre de Deana Barroqueiro,aux éditions Ésquilo. Le livre sera présenté par le Dr Guilherme d´ Oliveira Martins, ancien ministre, président de la Cour des Comptes et du Centre National de Culture.

Le succès de Deana Barroqueiro, personnalité très douée pour les arts et les lettres, ne peut que me réjouir, moi qui ai pu apprécier il y a plus de vingt ans son talent dans un autre métier auquel elle a passionnément consacré une grande partie de sa vie:l´enseignement. Deana Barroqueiro fut en effet mon professeur de Langue Portugaise, en terminale, au lycée Passos Manuel à Lisbonne et je n´ai jamais oublié ses cours mémorables.

Rendez-vous demain, donc, à 19h30.

mardi 13 octobre 2009

Danilo Kis est mort il y a vingt ans



Ce jeudi, 15 octobre, on signale le vingtième anniversaire de la mort du grand écrivain Danilo Kis. En hommage à ce grand nom de la culture européenne, je reproduis ici un article que j´ai écrit en juillet 2006 pour le site de la Nouvelle Librairie Française de Lisbonne:

«Lorsque, en octobre 1989, le bloc soviétique était en train de s´effondrer, avec les révolutions successives dans les pays d´Europe centrale et orientale et, plus tard, la chute du mur de Berlin, s´éteignait à Paris à 54 ans, victime d´un cancer, une des voix les plus singulières de la littérature européenne, le yougoslave Danilo Kis. Dans un essai daté de 1994, l´écrivaine américaine Susan Sontag (décédée en décembre 2004) écrivait que la mort prématurée de Danilo Kis l´avait empêché de suivre la transformation de l´Europe, mais ironiquement lui avait également épargné la tristesse d´assister au retour des vieux démons balkaniques et de l´émiettement, sous le coup de la fureur exterminatrice et génocidaire, de la Yougoslavie , lui qui avait toujours combattu les totalitarismes de tout poil et qui était, de par ses origines, un Yougoslave bon teint.
Danilo Kis est né en 1935, à Subotica, ville située en Voïvodine, près de la frontière hongroise, d´un père juif hongrois et d´une mère serbe orthodoxe originaire du Monténégro. Sa prime enfance, il la passe en Hongrie, mais à l´âge de neuf ans il vit une terrible expérience : son père est déporté à Auschwitz d´où il ne rentrera jamais. En 1947 grâce à la Croix rouge internationale, il est rapatrié avec le reste de sa famille au Monténégro où il est accueilli par son oncle maternel, historien et directeur de musée à Cetinje. Au sortir de l´adolescence, il s´essaie à la poésie et à la traduction, un domaine pour lequel il était très doué, non seulement grâce à son bilinguisme (serbo-croate et hongrois), mais aussi à une bonne maîtrise du français, de l´anglais et du russe. Il suit, en concomitance, des études à l´université de Belgrade et fait partie de la première génération des comparatistes sortis de cette université. Il débute donc une carrière académique comme lecteur de serbo-croate dans plusieurs universités françaises (Strasbourg, Bordeaux, Lille), mais il publie aussi ses premiers livres. Le tout premier, La Mansarde, est un roman qui parodie l´amour, où le héros de l´histoire est à la recherche de l´amour idéal et vit dans une mansarde sale, pleine de cafards ou de souris, mais entouré de livres-culte comme L´ Éthique de Spinoza, Don Quichotte de Cervantès, La Bible ou Le Manifeste de Breton. Ce roman, où l´humour côtoie parfois la mélancolie et où les passages lyriques succèdent à des évocations qui frôlent l´obscénité, recèle des images poétiques d´une richesse assez rare.
Jardin, cendres et Chagrins précoces sont les livres suivants où Danilo Kis commence à ébaucher les contours définitifs de son oeuvre : une profonde réflexion sur les totalitarismes du XXème siècle, tant communiste que fasciste, d´ordinaire au travers de récits d´inspiration autobiographique, où l´enfance est un lieu magique, mais aussi d´irruption des premiers chagrins. Le pouvoir d´évocation des souvenirs de sa prime enfance établit une parenté -que nombre d´observateurs ont su, à juste titre, déceler- entre son oeuvre et celle de l´écrivain polonais Bruno Schulz (voir nos chroniques de février). Mais la parenté s´arrête là.
Ce n´est néanmoins qu´en 1976 que Danilo Kis a pu asseoir à jamais sa réputation, non sans mal. En fait, son recueil de nouvelles, Un tombeau pour Boris Davidovitch , qui constitue à vrai dire, sept brillantes variations sur une même «histoire» (la dissidence et la répression dans les pays de l´Europe de l´Est), a connu un énorme succès international, mais a occasionné d´absurdes accusations de plagiat et une sale campagne de dénigrement. Kis s´en défend dans son livre suivant - La leçon d´anatomie (1978) - où il établit la généalogie de ses oeuvres et expose, avec une surprenante acuité, les fondements de sa pensée.
Danilo Kis nous donne encore la juste mesure de son talent dans le recueil Encyclopédie des morts (1985), un ensemble de récits où le fantastique, le lyrisme et l´ironie s´entremêlent en des histoires fort imaginatives sous le signe de l´amour et de la mort. Ce livre contient d´ailleurs, en épigraphe, une belle citation de Georges Bataille «Ma rage d´aimer donne sur la mort comme une fenêtre sur la cour».
Après sa disparition, en 1989, la presse belgradoise pleurait sa mort et -ironie du sort- ceux qui l´avaient naguère traîné dans la boue, lors de l´affaire sordide de l´accusation de plagiat, ont été les premiers à vouloir l´élever au rang de gloire nationale. On sait bien que l´hypocrisie n´a pas de honte...
Par contre, comme nous l´a également raconté Susan Sontag dans son petit essai cité plus haut, repris dans le recueil Where the stress falls (Vintage,2003) , le souvenir de Danilo Kis était présent –et évoqué un peu partout- à Sarajevo, pour son exemple de lutte contre tous les totalitarismes y compris les nationalismes bornés, et pour l´harmonie entre les différents peuples d´un même pays, rejoignant d´ailleurs la pensée d´un autre grand Yougoslave, Ivo Andric, prix Nobel de Littérature en 1961.
Il est temps que les lecteurs qui l´ignorent encore se laissent séduire par l´oeuvre originale de Danilo Kis.»

jeudi 8 octobre 2009

Le prix Nobel pour Herta Müller


Le prix Nobel de Littérature a été décerné aujourd´hui à l´écrivain allemand d´origine roumaine Herta Müller, née en 1953. Je n´ai lu aucun livre de cet auteur dont je ne connaissais que le nom.Un auteur donc à découvrir.