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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

vendredi 29 août 2014

Chronique de septembre 2014





 
 Arthur Cravan, un génie subversif ! 


«Je voudrais être à Vienne et à Calcutta/Prendre tous les trains et tous les navires/Forniquer toutes les femmes et bâfrer tous les plats/Mondain, chimiste, putain, ivrogne, musicien, ouvrier, peintre, acrobate, acteur/Vieillard, enfant, escroc, voyou, ange et noceur/millionnaire, bourgeois, cactus, girafe ou corbeau/Lâche, héros, nègre, singe, Don Juan, souteneur, lord, paysan, chasseur, industriel/Faune et flore/Je suis toutes les choses, tous les hommes/et tous les animaux !»
Ces vers aux accents révolutionnaires, provocateurs ou subversifs ont été signés par un des personnages les plus excentriques de la littérature européenne du début du vingtième siècle, un homme qui a étonné, désarçonné, scandalisé les conservateurs et les progressistes, les plus ou les moins puritains des citoyens : il s´agit d´Arthur Cravan, une figure qui aujourd´hui encore inspire la plume de nombre de critiques et exerce une fascination sans bornes sur nombre d´écrivains.
Arthur Cravan fut un poète de langue française et un boxeur (mais oui !), né le 22 mai 1887 à Lausanne dans la paisible Suisse, de parents britanniques. Son vrai nom était Fabian Avenarius Lloyd, second fils d´Otho Holland Lloyd et de Clara St-Clair Hutchinson. On peut ajouter, comme autres données intéressantes de sa biographie, qu´il avait un frère aîné Otho Lloyd, devenu peintre, qui a vécu plus de quatre-vingts ans, ne poussant le dernier soupir qu´en 1979, que son grand-père paternel, Horace Lloyd, avait été conseiller de la reine Victoria ou encore qu´il était neveu par alliance d´Oscar Wilde qui avait épousé Constance Mary Holland Lloyd, la sœur de son père.
Le moins que l´on puisse dire c´est qu´Arthur Cravan-qui probablement tient son pseudonyme en référence au lieu de naissance de sa fiancée Renée Boucher : Cravans en Charente- Maritime- a vécu  intensément dès les premières années de sa vie. De Lausanne à Mexico en passant par Londres, Berlin, Paris, Athènes, Barcelone ou New-York, partout, il a provoqué des scandales, a multiplié les frasques, indignant les esprits les plus ringards, mais aussi les plus ouverts à une modernité qui se déchaînait et qui recherchait avidement de nouvelles formes de création. Tenu souvent pour le précurseur du dadaïsme et du surréalisme-André Breton le cite dans son Anthologie de l´humour noir- ses œuvres établissent aussi des ponts avec le futurisme naissant de Marinetti. Poète et boxeur, on l´a vu plus haut, on pourrait enjoliver sa foisonnante biographie d´autres tâches, fonctions ou métiers qu´il aurait exercés- ne serait-ce que sporadiquement et d´une façon tout à fait atypique, saugrenue, grotesque ou déroutante-comme conférencier, danseur, chauffeur de taxi, marin, charmeur de serpents, trafiquant-faussaire de tableaux, aventurier ou déserteur. Il faut dire que sa devise était tout bonnement « Tout grand artiste a le sens de la provocation» et ainsi en est-il arrivé, dans ses conférences, à faire des strip-teases et à tirer des coups de pistolet, à menacer des gens, à exiger du silence en assenant des coups de triques sur son guéridon alors que le silence était total, enfin, à afficher son mépris pour l´artiste. À New-York, invité en 1917 par Francis Picabia et Marcel Duchamp à donner une conférence à la Grand Central Gallery sur les artistes indépendants de France et d´Amérique, Arthur Cravan est entré dans la salle chancelant et visiblement en état d´ébriété. Il a tapé du poing sur la table et séance tenante a commencé à se dévêtir. Il a dû quitter la salle menotté et traîné par les flics en criant haut et fort son indignation. Le lendemain, la presse new-yorkaise, tout en blâmant son attitude, se montrait pourtant-et l´on dirait peut-être paradoxalement- en filigrane un brin compréhensive: «Monsieur Cravan était vraiment un lunatique, mais il était aussi sans doute indépendant. Or, le sujet de la conférence n´était-il pas l´indépendance des artistes ?» écrivait le quotidien The Sun du 20 avril 1917.
Pour ce qui est du parcours d´Arthur Cravan en tant que boxeur, il reste dans les annales son combat en avril 1916 à Barcelone dans la place de taureaux contre le champion américain Jack Jackson qui n´a fait qu´une bouchée du malheureux neveu d´Oscar Wilde. Néanmoins, le combat a été prolongé jusqu´au sixième ou septième round. A la fin, le public, ulcéré par un combat aussi inégal qui prenait des allures de farce, a hué et exigé le remboursement du billet, envahissant le ring et mettant quasiment à sac  l´arène de Barcelone.
Les rapports de Cravan avec sa famille ont été tendus, on l´aura deviné, surtout avec sa mère Clara St-Clair Hutchinson qui lui a toujours préféré son frère Otho plus docile et soumis. Un jour, Cravan a affirmé tout naturellement : «Ma mère et moi, nous ne sommes pas nés pour nous comprendre». Plus tard, Clara, surnommée Nellie et entre-temps remariée à un médecin suisse, indignée des frasques de son fils, ne s´est pas privée de produire l´affirmation brutale qui suit : «J´éprouve une honte et un dégoût d´être la mère d´un tel goujat. Je le compare aux apaches genre Bonnot».
Dandy invétéré et bourlingueur (il a pu échapper à la première guerre mondiale, en utilisant de faux passeports), il n´aimait rien d´autre, de son aveu même, que d´être constamment en déplacement : «Je ne me sens vraiment bien qu´en voyage ; lorsque je reste longtemps dans le même endroit, la bêtise me gagne». C´est justement alors qu´il s´apprêtait à rejoindre sa toute nouvelle épouse-la poétesse Mina Loy qui était enceinte- à Buenos Aires, qu´Arthur Cravan a mystérieusement disparu au large du Golfe du Mexique, en 1918, à l´âge de trente ans. Son corps n´a jamais été retrouvé quoique la police eût fait état plus tard d´un corps abattu près de Rio Grande del Norte qui aurait pu correspondre par ses caractéristiques à celui de Cravan. Quoi qu´il en soit, ce mystère a déclenché force conjectures sur ce qui s´était vraiment produit. On a évoqué la possibilité d´un suicide, mais le bruit a également couru qu´il aurait été aperçu ici ou là, notamment à New York dans les années vingt, sous le nom de Dorian Hope. Sa veuve, Mina Loy, qui a accouché d´une fille, Fabienne, a lancé jusqu´en 1923 une enquête internationale pour  essayer de retrouver son mari, un mari qui lui a inspiré un jour ces commentaires indulgents produits après sa disparition : «Il souffrait terriblement de la stupidité humaine. Je ne déplore pas trop sa mort, le chagrin est qu´il ne vive plus…Il prenait l´inévitable de bon gré à tout moment, c´est pourquoi il était si difficile à comprendre».
La légende d´Arthur Cravan fait bouillir l´imagination d´écrivains et de critiques presque un siècle après sa disparition. En 2006, le critique d´art Philippe Dagen a publié chez Grasset un roman intitulé Arthur Cravan n´est pas mort noyé, donc une fiction uchronique sur la vie hypothétique du poète et boxeur après 1918 et, en 2010, toujours chez Grasset, paraissait un livre signé Bertrand Lacarelle-Arthur Cravan, le précipité-  présenté comme un essai qui «veut faire retentir sa voix un siècle plus tard, pour réveiller nos âmes et raviver nos corps».
Mais si sa vie a fait jaser et suscité un tollé un peu partout, tout l´esclandre que l´auteur a provoqué prend racine inévitablement dans son œuvre composée de poèmes, chroniques, fragments, correspondances et surtout les articles publiés dans la revue Maintenant(1). Pour une de ses biographes, Maria Lluïsa Borràs, «L´ensemble des textes de Maintenant constitue une autobiographie déchirée, une des plus subversives et maudites que nous ait légué cette génération. Une autobiographie qui oscille entre le lyrisme et le sarcasme le plus grossier, situant Cravan de plein droit parmi les précurseurs essentiels de l´aventure dada.»(2)
Les cinq numéros de la revue Maintenant ont été publiés à Paris-ville où le poète s´était installé en 1909-d´avril 1912 à mars 1915 et étaient entièrement rédigés par Cravan lui-même. On y trouvait des poèmes et des critiques littéraires et artistiques mais aussi des provocations de toutes sortes.
Dans le premier numéro, on annonçait des documents inédits sur Oscar Wilde. Ces documents n´étaient en fait qu´une description physique détaillée de l´écrivain irlandais qui était, on vous le rappelle, son oncle par alliance. Après avoir décrit avec force détails, son nez, ses lèvres, ses yeux, sa bouche, sa voix, il terminait ainsi le portrait de son oncle :«Puis ce qu´il y avait de remarquable chez Oscar Wilde c´est que, si l´on peut dire, il causait de tout le corps : l´articulation du bras avec l´épaule était enjouée, celle de la main avec l´avant-bras était charmante, la main prenait sur celui-ci l´inclination élégante d´un beau cygne expressif, c´est ce geste dont Oscar Wilde a doué le personnage de Lord Henry dans le «Dorian Gray»». Le texte était signé du nom de W.Cooper, probablement un des multiples hétéronymes de Cravan. Le sujet Oscar Wilde ne s´épuisait pas dans ce numéro, il allait réapparaître lors des deux numéros suivants, d´abord sous forme de portrait et puis, lors du numéro 3, de façon encore plus déroutante dans un texte intitulé « Oscar Wilde est vivant !». Or, il était mort en 1900, ce texte étant une fantaisie de Cravan sur une rencontre-«la nuit du vingt neuf mars mil neuf cent treize»- où son oncle, sous le nom de Sébastien Melmoth(le pseudonyme qu´il avait adopté lors de son exil en France), lui aurait rendu visite au moment où Cravan était particulièrement triste, «l´âme d´un déchu». Ils auraient causé, bu et ri ensemble, Cravan se remémorant les allusions vagues entendues dans son enfance selon lesquelles Oscar Wilde pouvait être en fait son père, Wilde pour sa part lui confiant qu´il avait terminé ses mémoires, qu´il avait des vers en préparation et qu´il venait d´écrire quatre pièces de théâtre pour Sarah Bernhardt, s´exclamant, en riant très fort, qu´il aimait beaucoup le théâtre mais qu´il n´était vraiment à l´aise que lorsque tous ses personnages étaient assis et qu´ils allaient causer !
Un des textes les plus intéressants de la courte vie de la revue Maintenant est celui consacré à André Gide, paru dans le numéro deux. Cravan y écrivait que, se recommandant de sa parenté avec Wilde, il avait envoyé un mot à Gide qui avait donc consenti à le recevoir. Se mettant à rêver à la réception enthousiaste que Gide lui aurait prodiguée, Cravan s´imaginait même filer avec lui en Algérie ou ailleurs! Or, la déception aurait été proportionnelle à l´engouement dont il avait rêvé. Gide ne lui a offert rien d´autre qu´une chaise ! Cravan ne s´est donc pas privé de tirer à boulets rouges sur l´un des monstres sacrés de la littérature française : «Monsieur Gide n´a pas l´air d´un enfant d´amour, ni d´un éléphant, ni de plusieurs hommes : il a l´air d´un artiste ; et je lui ferai ce seul compliment, au reste désagréable, que sa petite pluralité provient de ce fait qu´il pourrait très aisément être pris pour un cabotin. Son ossature n´a rien de remarquable ; ses mains sont celles d´un fainéant, très blanches, ma foi ! Dans l´ensemble, c´est une toute petite nature. M. Gide doit peser dans les 55 kilos et mesurer 1 m 65 environ. Sa marche trahit un prosateur qui ne pourra jamais faire un vers. Avec ça, l´artiste montre un visage maladif d´où se détachent, vers les tempes, de petites feuilles de peau plus grandes que des pellicules, inconvénient dont le peuple donne une explication en disant vulgairement de quelqu´un : «il pèle»». Cravan a ajouté que Gide lui avait écrit une fois et que « la lettre autographe de M. Gide est à enlever à nos bureaux au prix de 0.fr 15».
Arthur Cravan -qui mesurait presque deux mètres et pesait plus de cent kilos-avait, on l´a vu, le goût de la provocation. Dans le premier numéro, dans la rubrique «Différentes Choses», on lit, par exemple, «Nous sommes heureux d´apprendre la mort du peintre Jules Lefebvre» ! Pourtant, le sommet de la provocation, on peut le trouver en lisant l´essai du numéro 4 «L´Exposition des Indépendants». Il a pondu des commentaires ironiques sur Robert Delaunay, par exemple. Après avoir écrit qu´il n´avait pas vu sa peinture, il l´a tenu d´ailleurs pour un peintre qui a mal tourné : «M. Delaunay, qui a une gueule de porc enflammé ou de cocher de grande maison pouvait ambitionner avec une pareille hure de faire une peinture de brute(…) Au physique, c´est un fromage mou : il court avec peine et Robert a quelque peine à lancer un caillou à trente mètres(…)cette figure d´une vulgarité tellement provocante qu´elle donne l´impression d´un pet rouge(…)Avant de connaître sa femme, Robert était un âne(…)prenant un poteau télégraphique pour un végétal et croyant qu´une fleur était une invention. Depuis qu´il est avec sa Russe, il sait que la Tour Eiffel, le téléphone, les automobiles, un aéroplane sont des choses modernes. Eh bien ça lui a fait beaucoup de tort à ce gros bêta d´en savoir aussi long(…) Quand on a la chance d´être une brute, il faut savoir le rester». Sur Sonia Delaunay, Cravan ne fut pas tendre non plus, mais une de ses autres cibles fut la peintre Marie Laurencin, ancienne muse de Guillaume Apollinaire (à qui il s´en prend aussi), sur laquelle il a produit des commentaires d´une indiscutable goujaterie : «En voilà une qui aurait besoin qu´on lui relève les jupes et qu´on lui mette une grosse…quelque part pour lui apprendre que l´art n´est pas une petite pose devant le miroir. Oh ! chochotte ! (ta gueule !). La peinture c´est marcher, courir, boire, manger, dormir et faire ses besoins. Vous aurez beau dire que je suis un dégueulasse, c´est tout ça».Ces deux dernières phrases illustrent également on ne peut mieux la philosophie d´Arthur Cravan.
Au fond, Artur Cravan était un de ces génies inquiets, turbulents, toujours en ébullition, qui ont besoin de faire parler d´eux et dont l´œuvre ne peut être nullement détachée de sa personnalité.
Ce génie subversif a forcé l´admiration de Guy Debord qui a fait état de son estime (Panégyrique, tome un) en ces termes : «Les gens que j´estimais plus que personne au monde étaient Arthur Cravan et Lautréamont, et je savais parfaitement que tous leurs amis, si j´avais consenti à suivre des études universitaires, m´auraient méprisé autant que si je m´étais résigné à exercer une activité artistique ; et si je n´avais pas pu avoir ces amis-là, je n´aurais certainement pas admis de m´en consoler avec d´autres».
Tout aussi intéressants sont les propos de Francis Picabia (qui, comme on l´a vu, a fréquenté Cravan) dans Jésus-Christ Rastaquouère : «J ´aime mieux Arthur Cravan qui a fait le tour du monde pendant la guerre, perpétuellement obligé de changer de nationalité afin d´échapper à la bêtise humaine. Arthur Cavan s´est déguisé en soldat pour ne pas être soldat, il a fait comme tous nos amis qui se déguisent en honnête homme pour ne pas être honnête homme».
Disparu il y a quasiment un siècle, Arthur Cravan fait toujours parler de lui et nourrit l´imagination pétillante de nombre d´admirateurs. C´est que, quoi qu´on puisse penser sur ses frasques, il était avant tout un homme indépendant. La liberté de pensée n´a pas de prix…

(                 (1)  Deux éditions disponibles sont à noter :
Arthur Cravan, Maintenant suivi de Poèmes, chronique et fragments, présentés et annotés par Gabriel  Saisseval, éditions Ombres, Toulouse, 2010.
Arthur Cravan, Œuvres : poèmes, articles, lettres. Collection Champ Libre, éditions Ivréa, Paris, 1987.
(2)Cette citation-qui figure dans la quatrième de couverture du livre des éditions Ombres-est extraite de l´ouvrage de Maria Lluïsa Borràs : Arthur Cravan. Une stratégie du scandale (Paris, Jean-Michel Place, 1996).

jeudi 28 août 2014

Centenaire de la mort de Charles Péguy






Vendredi  5 septembre, on signalera le centenaire de la mort, pendant les combats de la bataille d´Ourcq, à Villeroy, en Seine –et-Marne, d´un grand écrivain français : Charles Péguy. Né le 7 janvier 1873 à Orléans, Charles Péguy est devenu un des intellectuels les plus importants de son époque. Disciple d´Henri Bergson, il fut poète(Le porche du Mystère de la deuxième vertu ; La tapisserie de Notre-Dame ; La tapisserie de Sainte-Geneviève et de Jeanne d´Arc ; Ève) et essayiste (De la raison ; Notre patrie ; Notre jeunesse ; Situations ; Notes sur M.Bergson et la  philosophie bergsonienne).
Révolté par l´antisémitisme, il a signé toutes les protestations, publiées notamment dans le quotidien L´Aurore, pour demander la révision du procès Dreyfus. Militant socialiste, il s´est néanmoins rapproché vers 1908 du catholicisme de son enfance.
Victime de la récupération que le régime de Vichy avait faite de sa figure, l´œuvre de Charles Péguy fut souvent discréditée par certains milieux littéraires. La réhabilitation de cette figure majeure des lettres françaises, on la doit en quelque sorte à Alain Finkielkraut dont l´essai Le Mécontemporain, paru en 1992 a jeté une nouvelle lumière sur l´œuvre de Charles Péguy.
Plusieurs rues et établissements scolaires portent aujourd´hui son nom, mais est-ce qu´il est vraiment lu par les nouvelles générations ? On aimerait bien le croire.
Puisse le centenaire de la mort de Charles Péguy contribuer à  faire connaître son œuvre par un nombre croissant de lecteurs.


dimanche 24 août 2014

Centenaire de la naissance de Julio Cortázar.



 
Ce mardi 26 août, on signalera le centenaire de la naissance de Julio Cortázar, grand écrivain argentin (naturalisé français en 1981, trois ans avant sa mort), né curieusement à Ixelles en Belgique où son père travaillait à la délégation commerciale de la mission diplomatique argentine à Bruxelles.
Auteur d´une œuvre richissime qui se caractérisait par une expérimentation formelle et la récurrence du fantastique, Cortázar nous a laissé outre ses innombrables contes et nouvelles des romans importants parmi les meilleurs que la littérature de langue espagnole ait produits au vingtième siècle comme Rayuela(1963, Marelle en français) et Libro de Manuel(1973 ;Livre de Manuel)qui a reçu en France le Prix Médicis Étranger en 1974.
Cet immense écrivain est mort à Paris le 12 février 1984. 

lundi 11 août 2014

La mort de Simon Leys



Une triste nouvelle m´a surpris cet après-midi: le décès de l´écrivain Simon Leys, nom de plume de Pierre Ryckmans, né à Bruxelles le 28 septembre 1935 et mort donc aujourd´hui à Canberra en Australie où il vivait depuis longtemps. Essayiste, traducteur,critique littéraire  et prestigieux sinologue, il a nous a laissé nombre d´oeuvres de référence, comme Les Habits neufs du Président Mao; Essais sur la Chine;Protée et autres essais(Prix Renaudot de l´Essai, 2001);L´ange et le cachalot; Orwell ou l´horreur de la politique;La mer dans la littérature française(2 tomes);Studio de l´Inutilité(son dernier livre, publié en 2012)et La mort de Napoléon, une uchronie autour du décès de l´empereur français.C ´est justement sur ce livre, reparu en 2005, et sur un autre(inédit), paru la même année, que j´ai écrit quelques lignes pour le site de la Nouvelle Librairie Française de Lisbonne, en mai 2006. Ce texte- qui n´est plus en ligne-je le reproduis ici pour vous, chers lecteurs:

«En 1971 paraissait, sous la plume d´un jeune sinologue, né en 1935 en Belgique, un livre qui s´intitulait Les habits neufs du président Mao, une chronique de la révolution culturelle chinoise à contre-courant de l´orientation pro-maoïste de la plupart des intellectuels européens de gauche, notamment français, de l´époque. Il faut rappeler que mai 68 était encore trop présent dans les esprits et que le dénouement du Printemps de Prague, écrasé par les chars du Pacte de Varsovie, avait mis fin à toute illusion de rénovation du modèle soviétique. Flairant, dès avant la parution de l´ouvrage, le tollé qu´il ne manquerait pas de susciter, l´éditeur parisien, Champ Libre, a conseillé à l´auteur, Pierre Ryckmans, de se choisir un pseudonyme. Sinologue et épris de culture orientale, il a opté pour le nom sous lequel il signe, depuis lors, tous ses livres : Simon Leys, en hommage au héros du roman René Leys, écrit par un grand voyageur français en Orient, Victor Segalen.
Aujourd´hui, Simon Leys est un écrivain dont la réputation ne souffre pas l´ombre d´une contestation. Couronnées de nombreux prix littéraires, ses oeuvres font l´objet des commentaires les plus élogieux, non seulement dans les pays francophones, mais aussi dans le monde anglophone, une situation à laquelle ne serait pas étranger le fait que l´auteur est, depuis des années, professeur universitaire en Australie. Il tient d´ailleurs une chronique mensuelle dans Le magazine littéraire , intitulée «Lettre des antipodes». Parmi ses oeuvres de référence, nous nous permettons de relever Protée et autres essais , prix Renaudot essai 2001, Les naufragés du Batavia , récit sur le naufrage en 1629 de la gloire de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, et une admirable anthologie, La Mer dans la littérature française.
Les éditions Plon ont publié, à la fin de l´année dernière, deux nouveaux livres de Simon Leys : La mort de Napoléon et Les idées des autres .
Pour le premier, il s´agit, plutôt, d´une réédition d´un roman, paru en 1986, le seul écrit, à ce jour, par l´auteur. Cette Mort de Napoléon est une fiction, un tant soit peu parodique. Imaginons que Napoléon Bonaparte ne serait pas mort en 1821 à Saint-Hélène, mais aurait réussi à s´échapper et à regagner la France, laissant un sosie à sa place, celui qui aurait véritablement trépassé. Voyageant incognito à travers l´Europe, sous un accoutrement qui le rendait méconnaissable, revisitant les lieux où il avait livré quelques-unes de ses batailles, Napoléon vit une foule de péripéties jusqu´à s´éteindre, enfin, sans avoir pu accomplir son but : reprendre le pouvoir.
Ce roman, à l´allure de conte philosophique, fut internationalement salué, notamment par des auteurs comme Edna O´Brien, Julian Barnes et la très regrettée Susan Sontag.
Dans Les idées des autres , Simon Leys a compilé un intéressant florilège de citations d´auteurs de toutes les époques et de toutes les latitudes, soit en version originale (avec la traduction en français) soit dans la langue où il les a découvertes (surtout le français ou l´anglais), étant donné qu´il ne maîtrise pas toutes les langues, bien entendu.
   Ce sont des citations, sur des sujets aussi divers que la mer («La mer, cette patrie qui voyage avec nous...» de Chateaubriand), les best-sellers («Tout le monde ne tend à lire que ce que tout le monde aurait pu écrire» de Paul Valéry), l´imitation («Imature poets imitate, mature poets steal» (Les poètes immatures imitent, les poètes accomplis volent) de T.S.Eliot) ou le tabac, entre autres («Insanity has grown more frequent since smoking has gone out of fashion» (L´insanité est devenue plus fréquente depuis que les gens ont perdu l´habitude de fumer) de Samuel Johnson). Une citation, cette dernière, qui n´est pas du tout dans l´esprit de notre temps...»
La mort de Napoléon de Simon Leys . Plon .Paris, 2005.16,80 euros.


Les idées des autres : pour l'amusement des lecteurs oisifs de Simon Leys . Plon . Paris,2005.16,80 euros.



P.S-Malheureusement, un de ces livres-La mort de Napoléon-est, paraît-il, épuisé.