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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

dimanche 28 octobre 2012

Chronique de novembre 2012


  Tierno Monénembo
   

Addi Bâ, un Guinéen, héros de la France.


Il faudra bien qu´un jour l´histoire honore les hommes qui dans les anciennes colonies se sont battus pour les couleurs de la France. Souvent oubliés, grâce ne leur fut rendue qu´à titre posthume. L´épopée d´un de ces héros nous est racontée par un des romans les plus surprenants de cette rentrée littéraire 2012, Le terroriste noir (éditions du Seuil), sorti de la plume d´un écrivain guinéen dont l´audience ces dernières années ne cesse de croître et pour cause : Tierno Monénembo.
De son vrai nom Thierno Saïdou Diallo, il est né le 21 juillet 1947 à Porédaka, en République de Guinée (que l´on dénomme d´ordinaire Guinée – Conakry, histoire de ne pas confondre avec soit la Guinée – Bissau soit la Guinée Équatoriale). En 1969, à l´âge de vingt-deux ans, ce fils de fonctionnaire a rejoint le Sénégal à pied, fuyant un pays mis en coupe réglée par le régime dictatorial d´ Ahmed Sekou Touré. Après son séjour au Sénégal, il est parti en Côte d´Ivoire où il a poursuivi ses études avant de rejoindre la France en 1973 où il a obtenu un doctorat en biochimie. Il a enseigné au Maroc et en Algérie et depuis 2007, il est visiting professor au Middlebury College dans le Vermont aux États-Unis.
Son premier roman, Les crapauds-brousse, est paru en 1979 et, au fil des années, il s´est taillé une place de choix dans le cadre de la littérature africaine d´expression française notamment avec des livres comme Les écailles du ciel(1986), Pelourinho(1995), L´aîné des orphelins (2000, Prix Tropiques), Peuls(2004) ou Le roi de Kahel(2008, Prix Renaudot). Ses livres portent, entre autres sujets, sur l´impuissance des intellectuels en Afrique, les difficultés des Africains en exil en France, l´histoire coloniale et la geste des Peuls, peuple de la région sahelo –saharienne minoritaire dans pratiquement tous les pays où ils habitent (une quinzaine d´États, surtout en Afrique de l´Ouest) mais constituant le principal groupe ethnique en Guinée (environ quarante pour cent de la population).
Le terroriste noir donc, le dernier roman de Tierno Monénembo, paru le 23 août, retrace le parcours singulier et véridique d´Addi Bâ, un Guinéen élevé en France dès l´âge de 13 ans, qui, enrôlé dans l´armée française lors de la seconde guerre mondiale, devient ce qu´on appelait à l´époque un tirailleur sénégalais. Retrouvé affalé dans un fourré d´alisiers dans un village des Vosges, en Lorraine, par le petit Étienne et son père Hubert Valdenaire alors qu´il venait de s´évader d´une garnison à Neufchâteau, Addi Bâ est caché dans l´appartement de fonction de l´école primaire grâce à Madame Yolande Valdenaire, la Directrice, justement la mère d´Étienne et épouse d´Hubert.
Devant pourtant s´enfuir une nouvelle fois en raison de la présence d´une brigade allemande dans les alentours de l´école, il est repris, mais parvient à s´évader derechef et s´installe dans le village de Romaincourt(nom de fiction, en fait Tollaincourt), pas loin du premier village des Vosges où il avait été retrouvé par les Valdenaire qui renouent contact avec lui. Addi Bâ, aidé par des villageois, commence alors à se promener en vélo (tout en prenant certaines précautions à cause des Allemands) et à fréquenter toute une foule de personnages hauts en couleur qui animent le village et tissent la trame du roman : un colonel qui habite un château et qui était à vrai dire le seul habitant de Romaincourt qui avait vu un Nègre jusqu´alors, le maire, Huguette dont le mari avait été arrêté par les Boches ou Germaine Tergoresse, la narratrice de l´histoire qui la raconte- des décennies après les faits- soit sous la forme d´un monologue intérieur, soit en s´adressant à un neveu de notre héros.
Romaincourt est un village typiquement français, mais qui parfois semble se transmuer en village africain. Au fond c´est un village universel, puisque tous les villages à vrai dire se ressemblent un peu avec leurs radotages, leurs rivalités-comme l´inimitié ancestrale entre les Rapanne et les Tergoresse-mais aussi leurs complicités, leur tendre insouciance et les liens de camaraderie qui se nouent dans la douleur. C´était de toute façon- et par-dessus le marché- un village sous occupation, qui plus est situé dans les Vosges, en Lorraine, dans une zone grise ou rouge, puisque ne faisant partie à vrai dire ni de la zone soi-disant libre ni da la zone occupée étant donné que les Allemands considéraient que La Lorraine et l´Alsace qui leur avaient appartenu entre 1870 et 1918 faisaient naturellement partie du territoire tudesque.
Addi Bâ enchante les femmes et se lie d´amitié avec les gens du village tant et si bien qu´il entre en contact avec la Résistance et crée un des premiers maquis de la région, le maquis de la Délivrance. Ce maquisard que les Allemands appellent « der schwarze Terrorist»(Le terroriste noir) est enfin dénoncé et fusillé en 1943. Qui l´aura mouchardé ? Nul ne l´a jamais su, mais l´on sait que quand un pays est occupé tous les habitants ne sont pas forcément des héros ou de braves résistants-ou, comme on nous le rappelle dans le roman, des imans de mosquées qui ont aidé des Juifs à Paris- les collabos sont toujours là et pas si minoritaires qu´on pourrait le croire…
Si le roman nous emballe par l´intrigue et le talent de conteur de Tierno Monénembo, on se doit aussi de réserver un mot au travail de la langue, l´intonation vosgienne, de l´aveu même de l´auteur (qui s´est déplacé dans de petits villages de la région) dans une interview accordée le 12 septembre à l´émission La danse des mots sur Radio France Internationale. L´auteur, imprégné de ce parler patoisant des Vosges, nous sert quelques pépites de cette délicieuse langue régionale qu´on lit dans la bouche des personnages, comme le «pâquis» (rue principale du village), «hachepailler» (le parler ou le baragouin des Allemands), les «zézesses»(Les SS), la «mâmiche» (grand-mère, vieille dame) ou «couarail» (veillée, réunion campagnarde).
Si le roman Le terroriste noir est une fiction, le héros et la plupart des événements qui nous sont racontés sont bel et bien réels. Addi Bâ Mamadou est arrêté le 15 juillet 1943 et conduit à la prison de la Vierge, à Epinal, avec quelques autres maquisards raflés. Des habitants de Tollainville suspectés d´avoir aidé les maquisards sont eux aussi arrêtés quoique relâchés peu après, pour la plupart. En vain des amis essayent- ils de lui rendre visite, les Allemands étaient irréductibles. Addi Bâ Mamadou n´a rien lâché malgré les tortures qui lui ont été infligées. Aujourd´hui à Tollainville et dans d´autres villages des Vosges, des rues portent à juste titre son nom. Un hommage tardif mais tout à fait mérité, rendu à un homme qui fut un véritable héros.
On ne peut que remercier Tierno Monénembo de nous l´ avoir fait connaître grâce à son admirable roman.

Tierno Monénembo, Le terroriste noir, éditions du Seuil, Paris, 2012.

P.S- Si vous voulez vous renseigner davantage sur la figure d´Addi Bâ Mamadou, vous pourrez consulter le site http://addiba.free.fr


lundi 22 octobre 2012

Présentation du nouveau roman de Deana Barroqueiro



Demain aura lieu à 18h30 au «Padrão dos descobrimentos»,à Lisbonne, la présentation du dernier roman de Deana Barroqueiro  O Corsário dos Sete Mares(Le Corsaire des sept mers) inspiré par des épisodes de la vie du grand aventurier portugais du seizième siècle Fernão Mendes Pinto. La présentation sera faite par Eduardo Marçal Grilo, ancien ministre de l´Education, et Miguel Real, professeur et  chercheur dans le domaine de la culture portugaise.  Un événement à ne pas rater.

vendredi 19 octobre 2012

La mort de Manuel António Pina


C´était avant tout un homme généreux et un grand poète. Manuel António Pina, né à Sabugal en 1943, est mort aujourd´hui à l´âge de 68 ans à Porto où il habitait depuis plus de cinquante ans. Lauréat du prix Camões(le prix littéraire le plus important de la langue portugaise) en 2011, il était poète, bien sûr, mais aussi  auteur de livres pour enfants, dramaturge, journaliste, traducteur et un remarquable chroniqueur(ses chroniques dans le quotidien de Porto Jornal de Notícias étaient d´une élégance hors de pair). 
Sa poésie a été rassemblée tout récemment en un seul volume(Todas as palavras) par les éditions Assírio e Alvim et son oeuvre est traduite dans une douzaine de langues, à savoir le français(éditions L´ Escampette),l´allemand, l´anglais,le russe ou l´espagnol mais aussi le néerlandais, le bulgare, le danois, le croate, le catalan, le galicien et le corse.
Grâce à la richesse incomparable de son oeuvre,mais aussi à sa clairvoyance et à son intelligence, Manuel António Pina va  indiscutablement nous manquer. 

jeudi 11 octobre 2012

Mo Yan est le lauréat du Prix Nobel de Littérature 2012






Ça y est! L´Académie suédoise vient d´annoncer le lauréat du Prix Nobel de Littérature 2012: il s´ agit de l´écrivain chinois Mo Yan, 57 ans, dont les livres-picaresques et à l´imagination truculente- sont disponibles en français aux éditions du Seuil et aussi chez Philippe Picquier. Son oeuvre, abondante(autour de quatre-vingt titres) et composée de contes, nouvelles et romans a été récompensée essentiellement pour son«réalisme hallucinatoire».
Le pouvoir, la corruption et le sexe sont les principaux sujets de ses livres parmi lesquels on se permet de relever Beau seins, belles fesses, La mélopée de l´ail paradisiaque,Le radis de cristal, La dure loi du Karma ou Clan du Sorgho(qui fut l´objet d´une adaptation cinématographique par  Zhang Yimou sous le titre Le sorgho rouge).
L´attribution du prix à Mo Yan fait déjà jaser. D´aucuns s´interrogent s´il ne s´agit pas d´une tentative de réconciliation de l´Académie Nobel avec les autorités chinoises après les consécrations des dissidents Gao Xingjian(Prix Nobel de Littérature 2000) et Liu Xiaobo(Prix Nobel de la Paix 2010). En effet, Mo Yan est un ancien militaire- qui, à un moment donné, a quitté l´armée pour se consacrer à l´écriture-qui n´a guère manifesté de solidarité avec les dissidents et qui occupe en plus le poste de vice-président de la très officielle Association des écrivains chinois.
Pierre Assouline nous rappelle, dans un article de son blog La république des Livres, que Mo Yan(en fait, nom de plume de Guan Mo)signifie «ne pas dire» ou encore «celui qui ne parle pas», mais d´autres voient dans ses livres une critique métaphorique très fine du régime communiste chinois.
Quoi qu´il en soit, à chaque lecteur de découvrir «son» Mo Yan...