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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

mardi 27 novembre 2012

Chronique de décembre 2012




Elisabeth Taylor, cette inconnue.


Il y a de cela quelques années un ami, très peu au fait d´un certain genre de subtilités et imbu d´une prétendue découverte, me posait de but en blanc une question bizarre : «Sais-tu qu´Elizabeth Taylor écrit aussi des livres ?». Bien sûr, je n´ignorais pas qu´Elizabeth Taylor était un écrivain anglais du vingtième siècle, mais contrairement à cet ami qui m´avait lancé cette interrogation croyant avoir découvert la poudre, je savais qu´ Elizabeth Taylor actrice (1932-2011) et Elizabeth Taylor écrivain (1912-1975) étaient deux personnes et non pas la même et qui plus est- et quoique nées toutes les deux en Angleterre- aucun lien de parenté ne les rapprochait. Le seul lien que l´on pourrait peut-être établir entre les deux c´est que la célébrité de l´actrice a offusqué celle de l´écrivain. Cette année où l´on signale le centenaire de la naissance d´Elisabeth Taylor écrivain il est grand temps de l´évoquer.
Elizabeth Taylor est née en fait  Elisabeth Coles le 3 juillet 1912 à Reading, dans le comté de Berkshire. Fille d´Oliver Coles un inspecteur des assurances et d´Elsie May Fewtrell, elle a suivi des études secondaires dans The Abbey School et puis a travaillé comme préceptrice et bibliothécaire. En 1936, elle a épousé l´homme d´affaires John William Kendall Taylor,  devenant ainsi Elizabeth Taylor. Elle a vécu jusqu´à sa mort (des suites d´un cancer) le 19 novembre 1975 à Penn, dans le comté de Buckinghamshire, menant une vie relativement  discrète de femme au foyer, une vie qui lui a permis de se consacrer à sa grande passion, la littérature.  Elle a très peu bougé et a affirmé un jour qu´elle détestait les voyages et les changements constants et préférait la monotonie des jours se suivant paisiblement les uns après les autres. Malgré donc une certaine discrétion, elle n´était pas une femme insensible à ce qui se produisait dans le monde et on lui connaît même une certaine activité politique, elle fut pendant une brève période membre du Parti Communiste britannique avant de soutenir le Labour Party(le parti travailliste anglais).  Dans les milieux littéraires, elle a toujours eu un succès d´estime, nombre de critiques la plaçaient très haut dans le panthéon littéraire anglais et Kingsley Amis l´a considérée comme un des plus grands écrivains britanniques du vingtième siècle. Elizabeth Taylor, en dépit de sa sobriété, s´est liée d´amitié avec des noms qui comptaient dans la littérature anglaise de l´époque comme  Ivy Compton-Burnett,  Robert Liddell and Elizabeth Jane Howard. En outre, Anne Tyler l´a comparée à Jane Austen, Barbara Pym et Elizabeth Bowen, excusez du peu ! 
Elizabeth Taylor a publié pendant ses trente ans de carrière littéraire onze romans (le douzième, Blaming-en français, Un cœur lourd-, fut publié en 1976, à titre posthume), quatre recueils de contes ou nouvelles (ce que l´on dénomme en anglais «short stories») et un livre pour enfants. Dans ses fictions, elle racontait les heurs et malheurs de la société britannique.
Rarement aura-t-on vu dans la littérature anglaise du vingtième siècle- et pourtant, elle est riche et diversifiée- un écrivain brosser des portraits aussi fins, fidèles et rigoureux, non seulement des femmes et des hommes de la haute-bourgeoisie mais aussi des gens plutôt prolétarisés comme des gouvernantes, des cuisiniers, des serveurs et servantes.  Des portraits remarquablement bien écrits et qui étaient souvent empreints d´une ironie assez raffinée, en somme, «very british». Ses détracteurs tenaient ses livres pour des romans langoureux écrits à l´intention de femmes désoeuvrées, mais ses admirateurs ripostaient qu´écrire ce genre de considérations c´était ignorer des pans entiers de la société anglaise et l´intériorité de l´univers féminin. J´ajouterais que la subtilité psychologique des personnages décrits est un des atouts de l´écriture de Elizabeth Taylor, ce qui place ses romans et ses «short stories» au rang de  littérature de haute volée.
Son premier roman, At Mrs Lippincote´s (Chez Mrs.Lippincote), fut publié en 1945. Il raconte une histoire qui commence un soir de 1940 où Julia, son fils Oliver et Éleanor, une cousine enseignante et célibataire, arrivent dans une maison d´une ville campagnarde  mise en location par Madame Lippincote après le décès de son mari. La famille arrive donc dans la ville pour y rejoindre Roddy, le mari de Julia, aviateur basé dans les alentours. La vie coule doucement dans une ambiance paisible mais peu à peu l´hypocrisie, les tensions permanentes, les écarts de conduite et les questions d´identité fissurent un quotidien mensonger et assez étriqué. 
 A game of hide and  seek(Une partie de cache-cache) est un autre roman important, publié en 1951 et qui met en scène  la  passion de Harriet pour Vesey, sur un fond de Hauts de Hurlevent moderne. Harriet est une jeune fille qui mène une vie sans intérêt et qui éprouve une sorte de complexe vis-à-vis de sa mère et de ses amies qui lui semblent plus cultivées qu´elle ne l´est. Elle trouve néanmoins des moments de bonheur aux côtés de Vesey beau, intelligent mais d´un tempérament violent qui part étudier à Oxford et ne donne plus signe de vie. Harriet épouse entre-temps  Charles un homme riche et plus  âgé dont elle aura une fille.  Enfin, Vesey revient un jour et  tout bascule dans un roman qui a pour cadre l´Angleterre rurale des années cinquante.
The real life of Angel Deverell ou simplement Angel, paru en 1957, est un des sommets de l´œuvre d´Elizabeth Taylor, adapté cinématographiquement  par François Ozon en 2007. Angel est une fille qui aide sa mère à tenir une épicerie mais rêve tout le temps de  la maison nommée Paradis où sa tante travaille comme servante. Jeune fille à l´imagination fertile, sa famille a du mal à la comprendre, mais Angel devient écrivain et connaît enfin la maison Paradis où toute une foule de péripéties se déclenche. La jeune fille Angel est indiscutablement, de par sa complexité et  son originalité,  un des personnages les plus forts de l´œuvre d´Elizabeth Taylor.
In a summer season(Une saison d´été), de 1961, est certainement le livre le plus sensuel de l´auteur où l´on  découvre la passion entre Kate, veuve et mère de deux enfants, et Dermot, jeune insouciant, de dix ans son cadet. Ce livre a suscité lors de la parution de la traduction française de ce roman (disponible chez Rivages, comme tous les autres livres d´Elizabeth Taylor en français) un commentaire élogieux et curieux sorti de la plume d´André Rollin pour le Canard Enchaîné : «Elizabeth Taylor sait que le soleil de l'été n'est qu'un leurre, que ses rayons peuvent être des poignards. Elizabeth Tavlor déchire en douceur Griffe. Elle utilise le pastel. Mais du pastel empoisonné.»
Enfin,  Mrs Palfrey at the Claremont (Mrs Palfrey Hôtel Claremont), qui a vu le jour en 1971,   fut salué par la critique et sélectionné pour le Booker Prize. Il raconte l´histoire d´une dame veuve qui s´installe dans une résidence pour personnes âgées. Un jour, elle rencontre un jeune écrivain, Ludo, qu´elle fait passer pour son petit-fils et cette situation, qui change sa vie, fera de Mrs Palfrey «une vieille dame indigne». Un roman qui  pourrait être vu comme la quintessence de l´humour délicieusement «british».
L´éditeur anglais Virago a fait un effort ces dernières années, dans la perspective de la commémoration du centenaire de la naissance d´Elizabeth Taylor, pour promouvoir son œuvre et la presse soit en Angleterre soit aux États-Unis ne s´est pas privée de lui consacrer quelques articles qui rappellent l´importance de cet écrivain majeur de langue anglaise. Ces efforts sont toutefois, à mon avis,  insuffisants pour faire connaître les romans et les «short stories» d´un  des écrivains qui ont su le mieux portraiturer les milieux campagnards aussi bien que la haute bourgeoisie anglaise du vingtième siècle et les domestiques qui la rendent tellement originale.

mercredi 7 novembre 2012

Le Goncourt 2012 décerné à Jérôme Ferrari

 
 L´écrivain Jérôme Ferrari vient de remporter le prix Goncourt 2012 grâce à son roman Sermon sur la chute de Rome, publié chez Actes Sud. Patrick Deville l´a raté d´un cheveu, lui qui a eu quatre voix des jurés de l´Académie Goncourt contre cinq voix pour Jérôme Ferrari. Patrick Deville a dû se contenter du Prix Femina attribué lundi dernier pour son roman Peste & Choléra(éditions du Seuil). La liste complète des prix littéraires de cet automne est celle qui suit:

 Prix Goncourt: Jérôme Ferrari  pour Le Sermon sur la chute de Rome (Actes Sud).
 Prix Renaudot : Scholastique Mukasonga pour Notre-Dame du Nil(Gallimard).
 Prix Renaudot essai: Franck Maubert pour Dernier Modèle(Mille et une nuits).
 Prix Médicis : Emmanuelle Pireyre pour Féerie générale (L'Olivier). 
 Prix Médicis étranger: Avraham Yehoshua pour Rétrospective(Grasset).
 Prix Médicis essai : David Van Reybrouck, pour Congo, une histoire(Actes Sud). 
 Prix Femina: Patrick Deville pour Peste & Choléra(Le Seuil).
 Prix Femina étranger : Julie Otsuka pour Certaines n´avaient jamais vu la mer(Phébus).
 Prix Femina essai: Tobie Nathan pour Ethno-roman(Grasset).
 Grand Prix du roman métis: Tierno Monénembo pour Le terroriste noir(Le Seuil)-voir notre dernière chronique(novembre 2012).
Prix Virilo: Pierre  Jourde pour Maréchal absolu(Gallimard).
Prix du roman de l´Académie Française: Joël Dicker pour La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert(De Fallois).