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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

samedi 26 juin 2010

Chronique de juillet 2010





L´uchronie révolutionnaire selon Christian Kracht.



Tout récemment, à l´occasion du trente-sixième anniversaire de la révolution des œillets au Portugal(survenue le 25 avril 1974), un ami a lancé une question aux accents provocateurs : «Et si le coup des capitaines d´avril avait échoué ?». Ce serait d´ailleurs un bon sujet de roman, une fiction que l´on pourrait ranger du côté d´une nouvelle uchronie. Le mot est d´ailleurs peu utilisé à tel point qu´il ne figure pas dans nombre de dictionnaires et l´ordinateur sur lequel j´écris ce texte ne le reconnaît pas non plus. Le mot aura été inventé par Charles Renouvier en 1857 qui s´en est servi pour son livre Uchronie, l´utopie dans l´histoire. L´Uchronie est donc selon la plupart des dictionnaires qui en font état, notamment le Larousse du XIXème siècle, une «utopie appliquée à l´histoire ; histoire refaite logiquement telle qu´elle aurait pu être» (source :Wikipédia). Le mot désigne donc étymologiquement un «non-temps» (un « u» privatif associé à chronos, temps en langue grecque), un temps qui au bout du compte n´existe pas. La parenté avec la science-fiction est le plus souvent assez évidente. Le mot ne fait pourtant pas l´unanimité, les anglo-américains lui préférant «alternate history»(histoire alternative) ou «alternate world»(monde alternatif). Quoi qu´il en soit, le mot est définitivement entré dans l´histoire littéraire:en 1986, l´écrivain français Emmanuel Carrère s´est livré à une très intéressante étude d´introduction à l´uchronie, intitulée Le détroit de Behring (éditions P.O.L) et récemment(en 2009) Éric B.Henriet a publié aux éditions Klincksieck l´essai L´uchronie où il répond à cinquante questions que l´on peut se poser sur le sujet. Les exemples d´uchronie sont légion et au risque d´oublier plusieurs auteurs importants, je cite quand même de mémoire des exemples plus ou moins récents d´auteurs qui ont choisi comme intrigue de leurs romans des sujets si j´ose dire «uchroniques» à savoir Ray Bradbury, Philip K. Dick, J.G.Ballard, Philip Roth (dans son roman Complot contre l´Amérique, la réécriture de l´histoire américaine à partir d´une hypothétique victoire aux élections du pro -nazi Lindbergh), Simon Leys(qui dans La mort de Napoléon évoque le retour de l´empereur français, qui ne serait donc pas mort et aurait laissé un sosie à Sainte-Hélène)et José Saramago(qui dans L´Histoire du siège de Lisbonne raconte l´histoire d´un correcteur qui change le cours de l´histoire du Portugal au treizième siècle en remplaçant un oui par un non).
Les éditions Jacqueline Chambon viennent de faire paraître en français(en mars) une des toutes dernières uchronies en date, le roman Je serai alors au soleil et à l´ombre, écrit par le suisse d´expression allemande Christian Kracht.
Né en 1966, écrivain et journaliste, Christian Kracht en est à son troisième roman après Faserland et 1979(traduit en français sous le titre Fin de party, éditions Denoël, 2003). Il a passé son enfance aux Etats-Unis, au Canada et au sud de la France, il a beaucoup voyagé de par le monde et il est considéré comme un des représentants les plus emblématiques de la «popliteratur» allemande. Dans une interview récente, Christian Kracht a affirmé que ses trois romans constitueraient un triptyque : Faserland décrirait l´état présent, 1979 le passé direct et Je serai alors au soleil et à l´ombre le futur, quoique rétrograde.
Ce dernier roman de Christian Kracht est ce que l´on pourrait appeler une uchronie révolutionnaire. L´auteur invente un futur où l´Europe vit dans un état de guerre permanent et ce parce que Lénine au lieu de partir en Russie serait resté en Suisse en 1917 et y aurait fondé La République Soviétique Suisse. L´Angleterre se serait entre-temps alliée à l´ Allemagne fasciste et les deux pays auraient mené une guerre sans répit contre la jeune république qui élargit un peu ses domaines et fait du prosélytisme en Afrique où des académies militaires forment des jeunes combattants révolutionnaires (comme il s´est produit dans l´histoire réelle avec les vrais soviétiques russophones et à un moindre degré avec les Cubains). La Suisse conquiert d´ailleurs toute l´ Afrique de l´Est et toute l´Italie du Nord est placée sous tutelle africaine. Les Alpes, devenus un gigantesque bunker, servent de forteresse contre les fascistes allemands et anglais.
Dans ce décor féerique, le héros du roman est un pur produit d´une idéologie internationaliste où les nationalismes auraient été abolis au profit d´un communisme sans frontières. Officier d´origine africaine, se faisant traiter de «camarade confédéré», il œuvre à la gloire du socialisme et des lendemains qui chantent. Né dans un petit village de Nyasaland(l´actuel Malawi) près de la frontière mozambicaine où l´on parle le chichewa, il fut envoyé en tant que dernier-né à l´Académie militaire de la ville de Blantyre : «Depuis plusieurs décennies, des divisionnaires suisses provenant pour la plupart d´Afrique noire avaient non seulement construit des écoles militaires mais les dirigeaient également. On avait besoin de bons soldats et de bons officiers pour la guerre de Suisse, et où pouvait-on les trouver sinon dans le vivier intarissable des alliés africains.»(page 54).
Pendant sa période de formation militaire, notre héros- tout comme ses camarades- écoutait gravé dans la cire les enregistrements de Karl Marx et du grand camarade confédéré Lénine. On inculquait aux jeunes recrues l´idée que les Anglais avec l´aide des Allemands projetaient de créer un grand royaume décadent dans lequel les Africains seraient des esclaves. Une fois devenus officiers, les jeunes recrues, afin de se familiariser avec la métaphysique de leur nouvelle patrie et les conditions météorologiques de la Suisse, devaient partir pour un temps au Kilimandjaro, «une montagne située à plusieurs centaines de verstes au nord-est de Blantyre» (page 61).
Les souvenirs de l´enfance et de la jeunesse de notre héros nous sont racontés par lui-même alors qu´il est déjà un adulte vivant en Suisse où il est commissaire du parti à Neu-Bern qui avait été occupée par les Allemands pendant huit ans. On y parle un dialecte suisse, la langue parlée ayant d´ailleurs pris plus d´importance que la langue écrite. C´est oralement que le savoir y est transmis de telle sorte que la propagande allemande appelle les révolutionnaires suisses des «sous-hommes» et des «analphabètes des montagnes».
Le héros d´origine africaine se voit confier une mission secrète. Il est aux trousses d´un certain Brazhinsky qui se trouve être caché avec une poignée d´autres révolutionnaires dans un certain« Réduit» organisé sous forme d´étrange communauté…
Christian Kracht -qui a publié ce roman en Allemagne en 2008- a ourdi une intrigue assez intéressante sur un sujet-l´utopie communiste- qui suscite toujours une vive polémique quelle qu´en soit la perspective sous laquelle on l´aborde. Alors que la crise économique et financière sévit sur le monde entier et en particulier sur le vieux continent, où nombre d´économies sont la proie du capitalisme spéculatif, on constate un regain d´intérêt dans certains milieux pour les livres de deux philosophes qui ont réfléchi sur l´hypothèse communiste, le Français Alain Badiou et le Slovène Slavoj Zizek. Certes, en réfléchissant sur l´hypothèse communiste, peut-on faire l´impasse sur son héritage totalitaire ? Bien sûr que non, et les deux philosophes qui ne suivent pas la même méthode d´analyse et de réflexion n´ont pas là-dessus, bien entendu, la même perspective. Si Slavoj Zizek veut requinquer certaines idées marxistes et renouveler l´utopie,Alain Badiou, autrefois très proche du maoïsme, est toujours particulièrement critique à l´égard des démocratiques libérales et affirme à propos du goulag et de la révolution culturelle que cet héritage ne doit pas conduire, concernant le communisme, à jeter le bébé avec l´eau du bain. De toute façon, le grand problème de l´hypothèse communiste est celui de la rigidité idéologique et, partant, de l´ incompatibilité apparente entre pluralisme (et donc liberté d´expression) et société étatique, où la vie de chaque individu est surveillée dans ses moindres détails, ouvrant ainsi la voie à la dérive policière.
Quoi qu´il en soit, ce n´est pourtant pas que la question utopique que Christian Kracht a voulu mettre à mal en nous offrant cette sorte de fable. Derrière cette uchronie révolutionnaire, il y a le repli sur soi, le côté frileux et la paranoïa isolationniste du peuple suisse. Un petit peuple au coeur de l´Europe, puritain, fier de sa neutralité et ayant toujours peur d´une éventuelle menace extérieure.
Au bout du compte, Christian Kracht a vu juste : l´ambiance cosmopolite de certaines villes comme Zurich ou Genève tranche d´ordinaire avec le provincialisme de la mentalité suisse, tout comme les communistes, un temps internationalistes, sont souvent devenus nationalistes après la chute du mur de Berlin…

Je serai alors au soleil et à l´ombre, Christian Kracht, éditions Jacqueline Chambon, 2010

vendredi 18 juin 2010

José Saramago(1922-2010)



La mort de José Saramago,survenue aujourd´hui, plonge le Portugal dans la tristesse. Le seul Portugais qui ait eu, jusqu´à présent, l´honneur de se voir décerner le prix Nobel de Littérature a été l´ auteur de certains romans mémorables comme Le Dieu manchot, L´année de la mort de Ricardo Reis, L´Évangile selon Jésus-Christ ou L´aveuglement, entre autres, qui ont assis la réputation d´un écrivain hors pair, à l´imagination pétillante, et anticonformiste.

Habitant depuis plusieurs années l´île de Lanzarote, en Espagne, José Saramago ne faisait pourtant pas l´unanimité au Portugal- on se rappelle le vieil adage selon lequel nul n´est prophète chez soi- où d´aucuns ne lui ont jamais pardonné entre autres choses sa liberté de ton et d´esprit, son appartenance au Parti Communiste Portugais(dont il n´a pas forcément épousé l´orthodoxie) et ses origines modestes. Néanmoins, le souvenir de ses détracteurs se diluera un jour, alors que José Saramago fera toujours parti du patrimoine littéraire portugais et universel, et cela personne ne pourra jamais l´effacer...

jeudi 10 juin 2010

Festival Silêncio 2010


Du 16 au 26 juin, on pourra assister à Lisbonne sur les scènes du Music Box,de l´Institut Franco-Portugais, du Goethe Institut, du Théâtre Maria Matos et du cinéma Nimas à la deuxième édition du Festival Silêncio avec des spectacles et des conférences.

Côté littérature, on comptera sur la présence de Stéphane Audeguy, Philippe Besson, Mathias Enard, Pedro Tamen, Francisco José Viegas, Alberto Manguel, Saul Williams(sur la photo), Kalaf,José Luis Peixoto, François Vallejo et José Mário Silva.

Vous pouvez consulter le programme sur le site du festival, à savoir : www.festivalsilencio.com

Souvenir de Don Gonzalo



Il aurait eu cent ans le 13 juin et c´était un sacré personnage! C´est tout à fait juste de rappeler ici, à l´occasion du centenaire de sa naissance, le grand écrivain espagnol Gonzalo Torrente Ballester, né à Serantes, près de Ferrol(ville natale de Francisco Franco, «el caudillo»), en Galice, et mort à Salamanque le 27 janvier 1999. Ses livres et son style burlesque et ironique m´ont enchanté alors que j´étais étudiant universitaire(c´était plus ou moins à cette époque que j´ai découvert son oeuvre). Saga/Fuga de J.B, Fragmentos de apocalipsis, Off-Side, Filomeno a mi pesar, Crónica del rey pasmado et la trilogie Los gozos y las sombras comptent parmi ses oeuvres les plus emblématiques.Ces dernières années je l´ai moins lu, mais je garde un souvenir indélébile du bonheur de lecture que ses livres m´ont procuré à maintes reprises. À l´occasion des commémorations du centenaire de sa naissance, je ne puis qu´exprimer un très sincère:«Gracias, Don Gonzalo!»