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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

vendredi 28 juin 2013

Chronique de juillet 2013





Laissez tout entre les mains de Mario Levrero.

«Si j´écris c´est pour éveiller l´âme endormie, raviver l´esprit et dévoiler ses chemins secrets(…) mes récits sont pour la plupart des bribes de mémoire de l´âme et non pas des inventions». Ces paroles, on les retrouve dans le livre El discurso vacío(Le discours vide) de l´écrivain uruguayen Mario Levrero. Écrivain rare, comme on le classe d´ordinaire. Or, il se fait que cette épithète ne traduit peut-être pas au mieux de quelle étoffe étaient faits les livres éblouissants qu´il nous a laissés, lui mort en 2004. En plus, l´adjectif rare n´est-il pas une espèce de mot passe-partout que l´on emploie faute de mieux pour caractériser tel ou tel écrivain ? Moi-même, eussé-je été plus original, j´aurais choisi ici une épithète plus insolite. Toujours est-il que, me rendant à l´évidence et au risque de me contredire, le mot «rare» n´est pas un mot aussi insolite que cela pour évoquer l´œuvre de Mario Levrero. En effet, Mario Levrero dont l´œuvre ne se rapproche d´aucune autre dans la littérature uruguayenne partage quand même cette épithète d´écrivain rare avec d´autres auteurs de son pays, comme Marosa di Giorgio (poète décédée en 2004, la même année que Levrero), Armonía Somers, José Pedro Díaz, Felipe Polleri(étant plus jeune, un disciple en quelque sorte de Levrero) et le grand écrivain et concertiste Felisberto Hernández.  Une boutade sur la littérature latino –américaine explique par ailleurs l´apport le plus significatif de chaque nation : le Chili a produit des poètes, l´Argentine des conteurs, le Mexique des romanciers et l´Uruguay les rares (los raros, en castillan). Selon le critique littéraire Ángel Rama, «Los Raros» est un courant typiquement uruguayen d´écrivains que l´on ne saurait caser dans aucune école littéraire spécifique quoiqu´on puisse les rapprocher un tant soit peu par un tout léger surréalisme. D´aucuns vont jusqu´à inclure Juan Carlos Onetti (voir notre chronique d´octobre 2009) dans ce courant, ce qui me paraît tout à fait abusif étant donné que les caractéristiques d´Onetti le placent sous le signe d´une généalogie bien différente de celle qui sous-tend les œuvres de ses compatriotes cités plus haut. Quoi qu´il en soit, et pour en revenir à Levrero, l´auteur avec lequel on lui trouve le plus d´affinités semble être Felisberto Hernández.
Mario Levrero- de son nom complet Jorge Mario Varlotta Levrero- est né le 23 janvier 1940 à Montevideo et mort dans la même ville le 30 août 2004. S´il a passé la plupart de sa vie dans sa ville natale, il en a été absent pendant des périodes plus ou moins courtes où il a séjourné en d´autres villes uruguayennes comme Piriápolis ou Colonia, mais aussi à l´étranger, notamment à Buenos Aires et Rosario en Argentine et à Bordeaux, en France. Il a mené une vie plutôt précaire, ayant exercé divers métiers tout le long de sa vie tels libraire, photographe, humoriste ou éditeur de revues marginales. Les dernières années de sa vie, il a dirigé un atelier littéraire.
Si l´œuvre de Mario Levrero puise dans différentes sources, comme la littérature populaire, le polar, les comics, le cinéma muet, peut-être le fantastique, voire même la science –fiction(ou du moins quelques-unes de ses caractéristiques), elle est à bien des égards, inclassable, au- delà du fait qu´elle aura connu une trajectoire loin d´être tout à fait uniforme.
On pourrait d´ailleurs diviser l´œuvre de Mario Levrero en trois grandes parties : Les livres plus introspectifs parus peu avant sa mort comme El discurso vacío(Le discours vide) ou La novela luminosa(Le roman lumineux), publié à titre posthume ; les romans sur la ville des années soixante-dix rassemblés autour de la Trilogía involuntaria(trilogie involontaire), à savoir La ciudad(La ville), El lugar(Le lieu) ou París(Paris) ou les récits plus atypiques ou inclassables dont La  maquina de pensar en Gladys(La machine de penser à Gladys), Todo el tiempo(Tout le temps) ou Nick Carter se divierte mientras el lector es asesinado y yo agonizo(Nick Carter s´amuse pendant que le lecteur est assassiné et que j´agonise).
 On sait bien que nombre de lecteurs raffolent de retrouver chez chaque écrivain ce qui peut le rapprocher d´un autre auteur qu´ils auraient aimé comme si la littérature n´était qu´une éternelle chaîne se déplaçant en boucle où l´originalité ne serait pas monnaie courante. On n´ignore pas par ailleurs que les critiques littéraires se prêtent souvent à ce jeu, en gâtant leurs lecteurs de quelques rapprochements entre auteurs qui se ressemblent peu ou prou, mais qui au bout du compte se réclament de généalogies ou de paternités les plus diverses. Toujours est-il que dans le cas de Mario Levrero, l´auteur lui-même ne réfutait pas, toutes proportions gardées, le rapprochement ou du moins l´influence de Kafka dans certains de ses écrits. Il a même affirmé dans un entretien accordé à Hugo J.Verani en 1992 : « Tant que je n´ai pas lu Kafka, j´ignorais que l´on pouvait dire la vérité», une phrase d´ailleurs fort intéressante, dévoilant la pensée de Levrero sur le rôle de l´écrivain et la mission de la littérature. Sur cette influence de Kafka, je n´hésite pas à reproduire-justement à propos de l´affirmation de Levrero que je viens de citer- les paroles d´Ignacio Echevarría, un des plus grands spécialistes de l´œuvre levrérienne, dans l´article« Levrero y los pájaros»(«Levrero et les oiseaux»), paru en 2007 dans le numéro 5 (année III) de la revue UDP (Pensamiento y Cultura) de Santiago du Chili : « Ces paroles (de Levrero) nous invitent à rappeler celles de l´auteur du Château où il nous assure que ce que fait l´écrivain «n´est pas voir la vérité mais être la vérité elle-même» et il recommande :«ne nous faites pas croire à ce que vous dites, mais plutôt : faites- nous croire en votre décision de le dire».Levrero accomplit parfaitement cette consigne, d´autant plus que «la vérité profonde des choses est nécessairement diffuse, imprécise, inexacte», comme l´assure le narrateur de Desplazamientos*(1987) ; et c´est ainsi que «l´esprit se nourrit du mystère et fuit et se dissout lorsque ce que nous dénommons précision et réalité essaie de fixer les choses en une forme choisie- ou en un concept»».
Cette influence de Kafka est visible dans les romans de la trilogie involontaire(1), involontaire puisque ce n´est qu´après l´écriture des trois romans que Levrero se serait rendu compte qu´ils avaient en commun le thème de la ville. D´aucuns voient dans les romans de cette trilogie une incursion dans le genre fantastique, mais l´auteur rechignait devant cette épithète et ce parce que d´après lui ses œuvres-et celles-ci en particulier-ne bâtissent pas des mondes possibles ou des réalités alternatives, mais elles sont plutôt le reflet de la réalité par le philtre de la perception individuelle. Il ne s´agit donc pas d´une déformation de la réalité, mais d´une réalité tamisée par le subjectivisme. En effet, les espaces chez Levrero sont réels et vraisemblables et néanmoins il y a chez eux quelque chose de mystérieux, de diffus, d´opaque qui empêche le lecteur de les reconnaître. Peut-être ceux qui incluent  les œuvres de Levrero dans le genre fantastique pensent-ils à une interview de Julio Cortázar où l´écrivain argentin affirmait(en 1962) que ses contes faisaient partie du genre fantastique faute d´une meilleure définition…(2)     
Dans le premier roman de la Trilogia involuntaria, La ciudad(La ville), un homme loue une nouvelle maison où, plongé dans la pénombre et l´absence de courant électrique, il se sent égaré. Affamé, il  décide de se déplacer à un petit magasin pour s´acheter de quoi manger. Peinant à retrouver ses repères sous la pluie, il fait du stop et retrouve une fille qu´il croyait être la maîtresse du chauffeur, mais qui en effet avait fait du stop comme lui-même. Après que le chauffeur les eut déposés quelque part, ils ont fait un bout de chemin ensemble jusqu´à retrouver ce qui ressemblait à une ville où le narrateur, pris dans un tourbillon d´événements, les uns les plus bizarres que les autres, baigne dans une atmosphère kafkaïenne où tout  est égarement, perte de repères, un monde interlope que l´on ne saurait déchiffrer. En épigraphe, il y a un dialogue d´un roman de Kafka qui ne saurait mieux traduire l´étrangeté de ce roman de Levrero :
«-J´aperçois au loin une ville. Est-ce celle dont tu parles ?
 -C´est possible, mais je ne comprends pas comment tu peux apercevoir au loin une ville, puisque moi, je ne vois que très peu depuis que tu m´en a parlé, rien que quelques contours imprécis dans le brouillard».
Dans un autre roman de cette trilogie, París (Paris), le narrateur se retrouve dans la capitale française où il est arrivé après avoir voyagé trois cents siècles (mais oui !), une ville dont il a d´étranges et confus souvenirs. Il y descend dans un asile d´aliénés où les chambres sont distribuées par un curé qui s´occupe de la traite de prostituées. Il est interdit d´en sortir puisque l´asile est surveillé par des gendarmes. Si la présence des flics renvoie vaguement à un univers kafkaïen et l´atmosphère d´égarement et d´étrangeté nourrit l´intrigue, le rapprochement dans ce roman est à faire plutôt avec William Burroughs et surtout  Philip K. Dick, une des références littéraires de Levrero.
Enfin, dans El Lugar(Le lieu) qui a plus d´affinités avec La Ciudad qu´avec París, on découvre un personnage qui se réveille  enfermé dans une chambre qu´il ne connaît pas. Ignorant comment en sortir, il décide d´entrer dans une autre chambre de la maison mais se rend compte qu´il ne peut pas reculer et regagner la première chambre. À la  page 40, on retrouve peut-être une clé interprétative pour l´univers levrérien, ou du moins pour la banalité de l´existence quotidienne ou l´absence de toute logique dans notre vie(le monde serait-il d´ailleurs plus heureux s´il y avait bien une logique ?) : «Je me suis rendu compte que l´impuissance devant cette situation aussi extraordinaire n´était pas particulièrement différente de l´impuissance coutumière devant les faits quotidiens ;en ce dernier cas, on dissimule mieux, en raison de la complexité des situations que le monde nous présente quotidiennement».
Il y a quelques mois, les éditions de poche Debolsillo, du groupe Mondadori Espagne, ont rassemblé en un seul volume trois romans de Mario Levrero du genre «détectivesque». Le livre intitulé Nick Carter se divierte mientras el lector es asesinado y yo agonizo y otras novelas(3) regroupe le roman homonyme- que j´ai déjà cité plus haut – et encore La Banda de Ciempiés(La Bande de mille-pattes) et Dejen todo en mis manos(Laissez tout entre mes mains, qui a pris un autre titre en français).
Nick Carter… ne peut pas être classé à proprement parler  dans le genre  polar, comme on eût pu le supposer de prime abord. Comme l´a rappelé encore Ignacio Echevarría dans le prologue, il s´agit d´une parodie du genre truffée de teintes métalittéraires et psycho-analytiques, un mélange de fictions pulp, du comique, du délire onirique avec quelques délicates touches kafkaïennes. Le roman est en fait une authentique parodie, sans conventions, loufoque, d´une fantaisie inouïe et d´un humour noir. Les personnages sont on ne peut plus extravagants, de la secrétaire nymphomane de Nick à une femme qui se transmue en  toile d´araignée ou vice –versa, tout est dépourvu de la moindre logique. Même le narrateur semble ne pas y échapper,  passant assez facilement de la première à la troisième personne. Interrogé à ce sujet, Mario Levrero a répondu un jour : «Ça n´a pas été une décision du moi,  ni un calcul, ça s´est tout bonnement présenté ainsi. Comment me suis-je rendu compte que l´on passait à la troisième personne ? Tout simplement en regardant  le protagoniste, qui était le narrateur, dédoublé ; je n´étais plus en train de le personnifier (à travers ses sens), je le regardais plutôt du dehors».
La Banda de Ciempiés met en scène une foule de péripéties et de situations grotesques et absurdes à partir de la construction d´un mille-pattes en papier et de l´enlèvement d´une marchande de violettes. Le détective Carmody Trailler appelé à enquêter sur l´affaire semble naturellement impuissant pour faire quoi que ce soit.
Quant à Dejen todo en mis manos, l´insolite surgit tout d´abord dans le titre. C´est que dans Nick Carter…écrit vingt ans plus tôt, «dejen todo en mis manos» est une expression employée souvent par Nick Carter en s´adressant à un autre personnage Lord Ponsonby. Quoi qu´il en soit, cette fois-ci on a affaire à un écrivain peu fortuné, ayant du mal à faire publier ses livres - il peut d´ailleurs être conçu comme un alter ego de Mario Levrero-et qui en manque d´argent accepte à contre- cœur une mission d´un éditeur ami : retrouver un certain Juan Pérez qui avait envoyé un manuscrit fabuleux. On ignore tout de l´auteur, on n´a comme renseignement que la ville de l´intérieur d´où le manuscrit fut envoyé. C´est là que l´auteur raté se déplace à la recherche de l´auteur inconnu, et descend dans un hôtel louche. Pourtant son séjour-où il  connaît une étrange femme – se mue en une recherche de soi-même à travers une petite ville où les chemins ne mènent  nulle part.
Dans les derniers livres de Mario Levrero, il y a, je l´ai écrit plus haut, une évolution vers une littérature plus introspective(le réalisme introspectif, selon la formule du critique littéraire Pablo de Rocca). Dans El discurso vacío(4), un écrivain noircit un cahier avec des exercices pour perfectionner sa calligraphie, en présumant qu´en faisant ceci il pourra en même temps améliorer son caractère. Ce qui n´était au départ qu´un simple exercice se remplira au fur et à mesure de réflexions et d´anecdotes sur l´écriture, le sens de l´existence et le désarroi devant la vie. Un peu dans la même veine, La novela luminosa(5) est une tentative de mener à bout un projet que l´auteur avait jadis commencé, puis abandonné. Il a ainsi sollicité une bourse à la Fondation John Simon Guggenheim et les quatre-cent cinquante premières pages de ce roman intitulées Diario de una beca(Journal d´une bourse) sont dans une certaine mesure une réflexion sur l´impossibilité d´écrire un roman, un peu à l´instar d´une œuvre de 1958 de Josefina Vicens, El libro vacío. L´auteur y consigne ses manies, son agoraphobie, son hypocondrie, son addiction aux ordinateurs, ses rêves, ses lectures, l´amour, la peur de la mort, la poésie, ou ses promenades à Montevideo en quête des livres de Rosa Chacel et des polars qu´il lit compulsivement. Enfin, dans les cent dernières pages, Levrero reprend le projet du roman tel qu´il l´avait conçu dans la première version en 1984.
Quoique Mario Levrero fût devenu ces dernières années un auteur culte, une partie importante de ses livres ne sont pas encore disponibles chez des éditeurs espagnols. Il est abondamment publié en Uruguay et en Argentine, mais en Espagne, s´il est crédité d´un succès d´estime, il peine un peu à atteindre le grand public, du moins de façon aussi incisive que, par exemple, le Chilien Roberto Bolaño(voir notre chronique de juillet 2008), un auteur dont le parangon avec Levrero est d´ordinaire évoqué, non pas tellement parce que leurs œuvres partagent à proprement parler une même généalogie (malgré des affinités assez claires), mais parce que la trajectoire des deux écrivains a quelques points communs : ils ont vécu en marge de toute coterie littéraire(de par même la «marginalité» qui était la leur), ils ont mené une vie plutôt précaire, ayant constamment changé de métier, et ils ont connu une gloire posthume(plus évidente  pour l´instant dans le cas de Bolaño). De toute façon, toutes les œuvres de Mario Levrero  semblent en cours de publication chez Mondadori Espagne, quoiqu´à un rythme relativement lent.
Pour ce qui est des traductions, un long chemin reste à faire, surtout dans les principales langues de communication. En français, il n´y a pour l´instant qu´un livre traduit disponible, Dejen todo en mis manos, qui a pris dans la langue de Molière le titre  J´en fais mon affaire, chez L´arbre vengeur(2012) avec une préface de Diego Vecchio et traduction de Lise Chapuis. Il y a eu une édition chez Complexe de la fiction Fauna en 2000, qui est déjà épuisée. En portugais, il y a un ou deux livres traduits au Brésil, mais aucun au Portugal. Pas plus qu´en Allemagne,en Angleterre ou aux États-Unis où les traductions en allemand et en anglais sont  donc inexistantes(il paraît qu´il y a juste un conte traduit et publié dans une revue littéraire américaine). En Italie, il y a quand même un conte de Levrero(traduit par Loris Tassi sous le nom Confusione del noir) dans une anthologie de contes et essais, intitulée Inchiostro sangue, Antologia di racconti e saggi del Rio de la Plata, chez l´éditeur Arcoiris(2009). 
Quoi qu´il en soit, si vous lisez bien l´espagnol, n´hésitez  pas, laissez tout entre les mains de Mario Levrero…
*Déplacements, en français.
(1)Trilogía involuntaria (La ciudad, El lugar, París), Mario Levrero, Debolsillo, Barcelone 2008.
(2)Voir l´article «Trilogía involuntaria o las ciudades de Mario Levrero» d´Ana Maria Iglésia in revistadeletras.net
(3) Nick Carter se divierte mientras el lector es asesinado y yo agonizo y otras novelas, Mario Levrero, Debolsillo, Barcelone, 2012.
(4)El discurso vacío, Mario Levrero, Debolsillo, Barcelone, 2009.
(5)La novela luminosa, Mario Levrero, Debolsillo, Barcelone, 2008.

dimanche 23 juin 2013

Javier Tomeo n´est plus


Le romancier,conteur et dramaturge espagnol Javier Tomeo, né le 9 septembre 1932 à Huesca, est mort hier à Barcelone, à l´âge de 80 ans, des suites d´un diabète sévère.
Auteur de romans comme El cazador,El unicornio, El castillo de la carta cifrada,Bestiario,La agonia de Proserpina, El crimen del cine Oriente ou El cantante de boleros, Javier Tomeo a également connu un grand succès en tant que dramaturge, surtout en France avec sa pièce Amado monstruo(Monstre aimé). La plupart de ses contes sont rassemblés dans une anthologie intitulée Los nuevos inquisidores(2004).Les traductions de ses livres en français sont surtout disponibles chez Christian Bourgois et chez José Corti.
C´était un écrivain fort imaginatif, utilisant des phrases courtes et ayant d´ordinaire recours à la parabole kafkaïenne. Il a souvent été comparé à  l´écrivain autrichien Thomas Bernhard et au cinéaste espagnol Luis Buñuel.Sa vision de la condition humaine quoique dramatique et existentielle était pourtant lyrique et humoristique.
Il s´est vu décerner en 1994 le Prix Aragón des Lettres et la Médaille d´or de la municipalité de Saragosse. Il écrivait régulièrement dans la presse espagnole, surtout dans le quotidien ABC.
Au début de sa carrière littéraire, dans les années 50, il avait écrit des romans populaires sous le pseudonyme de Frantz Keller.
Aujourd´hui, le quotidien espagnol El País déplorait la mort d´un «monstre de la littérature».

samedi 22 juin 2013

Centenaire de la naissance d´Aimé Césaire



Mercredi prochain, 26 juin, on signalera le centenaire de la naissance à Basse-Pointe(Martinique) d´un des plus grands poètes français du vingtième siècle: Aimé Césaire. Mort à Fort-de-France(Martinique) le 17 avril 2008, à l´âge de 94 ans, Aimé Césaire est souvent connu comme un des chantres de la négritude, lui qui fut un des fondateurs, en 1934, avec les Sénégalais Léopold Senghor et Birago Diop, le Guadeloupéen Guy Tirolien ou le Guyanais Léon Gontran Damas du journal L´étudiant noir où est apparu pour la première fois le concept de «négritude», forgé par Aimé Césaire en réaction à l´oppression culturelle du système colonial français, visant à rejeter d’une part le projet français d’assimilation culturelle et à promouvoir l’Afrique et sa culture, dévalorisées par le racisme issu de l'idéologie colonialiste.
Député de la Martinique en plusieurs législatures (Quatrième et Cinquième Républiques), Aimé Césaire fut avant tout un immense poète. Cahiers d´un retour au pays natal (1939), Les armes miraculeuses (1946),Corps perdu (1950),Cadastre (1961), Moi,laminaire (1982) comptent parmi  ses oeuvres principales d´un genre -la poésie- où il a excellé. Mais s´il fut un admirable poète, il a aussi écrit de belles pièces de théâtre, à savoir Et les chiens se taisaient (1958), La tragédie du roi Christophe(1963),Une saison au Congo(1966),Une tempête (1969,adaptation pour un théâtre nègre, d´après La tempête de Shakespeare) et des essais importants comme Esclavage et colonisation(1948),Discours sur le colonialisme (1950), Toussaint Louverture,la Révolution Française et le problème colonial (1962) et Discours sur la negritude (1987).
Aimé Césaire a influencé toute une génération d´écrivains dont on se permet de relever les noms d´Edouard Glissant ou Frantz Fanon.
En 2007, l´aéroport de Fort-de-France fut rebaptisé «Aéroport Martinique-Aimé Césaire» et une plaque à l´ honneur de l´écrivain a été dévoilée au Panthéon le 6 avril 2011.
Aimé Césaire, un nom incontournable du patrimoine littéraire français.   

mercredi 19 juin 2013

La mort de Maurice Nadeau



 Il est des éditeurs dont l´importance dépasse largement celle de certains auteurs.
Maurice Nadeau en était l´exemple frappant, lui qui fut également écrivain,critique littéraire et directeur pendant quarante-trois ans de La Quinzaine Littéraire.
Né le 21 mai 1911 à Paris, il s´est éteint ce dimanche 16 juin, toujours à Paris, à l´âge de 102 ans.
Résistant pendant l´occupation nazie, il a échappé de justesse à une rafle. Après la libération, il s´est consacré au journalisme et à la littérature, ayant collaboré dans de différents journaux et magazines dont Combat(de Camus),L´Express, France-Observateur, puis Le Nouvel Observateur. Il fut également directeur de la revue  Les Lettres Nouvelles et il a fondé, bien sûr, le bimensuel La Quinzaine Littéraire.
En tant qu´éditeur,il a dirigé plusieurs collections dans de nombreuses maisons d´édition comme Buchet -Chastel, Le Mercure de France, Julliard,Denoël et Robert Laffont avant de fonder les éditions Les Lettres Nouvelles, devenues en 1984 les Éditions Maurice Nadeau.
Pendant sa carrière d´éditeur, il a été responsable de la publication en France d´oeuvres d´auteurs étrangers comme Malcolm Lowry, Varlam Chalamov, Witold Gombrowicz, Henry Miller, Leonardo Sciascia, J.M.Coetzee,Stig Dagerman, Pier Paolo Pasolini, Jack Kerouac ou Lawrence Ferlinghetti, entre autres. Parmi les auteurs français dont il a publié les premières oeuvres, on peut citer David Rousset,Georges Perec, Hector Bianciotti(né en Argentine) ou Michel Houellebecq.
Avec la mort de Maurice Nadeau, c´est une véritable encyclopédie qui disparaît.