J´ai retrouvé dans mes archives de la Nouvelle Librairie Française de Lisbonne un petit article que j´ai écrit lors de la parution en poche de la traduction française du roman Siegfried, une idylle noire de l´écrivain néerlandais Harry Mulisch, décédé la semaine dernière. Cet article a été mis en ligne sur la site de la Nlf en mars 2006. Le voici donc en guise d´hommage à ce brillant écrivain tout à fait inconnu au Portugal.
«Sait-on que la langue néerlandaise est une des rares langues européennes qui n´aient jamais vu aucun de leurs auteurs être couronné du prix Nobel ? Et, pourtant, peu de pays en Europe, de dimension comparable à la Hollande ou à la Belgique, pourraient se prévaloir de posséder autant d´écrivains dignes d´être récompensés par cette distinction : Hugo Claus, du côté flamand ou, aux Pays-Bas, peut-être Hella Hasse, Cees Nooteboom et surtout Harry Mulisch, écrivain né en 1927. C´est d´ailleurs un livre de ce dernier que nous vous proposons : Siegfried, une idylle noire, que les lecteurs français ont pu découvrir en 2003 à l´occasion du Salon du Livre, consacré cette année-là à la littérature néerlandaise, et qui vient de reparaître en poche dans la collection Folio , chez Gallimard.
Le sujet du roman prête à polémique. Il raconte l´histoire d´un romancier, Rudolf Herter, qui, en voyage à Vienne, lors d´une conférence, est contacté par Julia et Ulrich Falk qui lui révèlent un secret : ils ont élevé le petit Siegfried, fils caché du Führer et d´Eva Braun. C´est que les Falk avaient été domestiques au Berghof, refuge bavarois de Hitler. Cette trame romanesque, entre fiction et réalité, se déroule à un rythme haletant, Mulisch allant jusqu´à imaginer un journal tenu par Eva Braun où elle aurait consigné les événements des derniers jours avant la chute de Berlin et le triste sort réservé au petit Siggi (diminutif de Siegfried).
La barbarie nazie est donc au coeur de l´ oeuvre de Harry Mulisch, peut-être aussi pour exorciser un peu le tourment suscité par ses origines : une mère juive et un père d´ascendance austro-hongroise qui a collaboré avec l´occupant nazi. Aussi s´interroge-t-il philosophiquement, à travers ses romans ( Noces de pierre , Attentat ou La découverte du ciel ), sur l´Histoire et le mal absolu. Cependant, Mulisch est aussi un essayiste éblouissant, ayant écrit sur les mouvements révolutionnaires hollandais ou le procès Eichmann (dont on parle encore de nos jours grâce au livre que lui a consacré Hanna Arendt) que Mulisch a couvert à l´époque (1961) pour l´hebdomadaire d´Amsterdam Elseviers Weekblad et dont on peut trouver le témoignage dans le livre L´Affaire 40/61.
Harry Mulisch, un nom à retenir et une invitation à la découverte de la littérature d´expression néerlandaise.»
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