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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

jeudi 31 juillet 2025

Article pour Le Petit Journal Lisbonne.

 Vous pouvez lire sur le site du Petit Journal Lisbonne ma chronique sur le roman Malestroit de Jean de Saint -Chéron, publié aux éditions Grasset. 

https://lepetitjournal.com/lisbonne/a-voir-a-faire/malestroit-de-jean-de-saint-cheron-une-vie-atypique-419695





mardi 29 juillet 2025

Chronique d´août 2025.

 



Leopoldo Maria Panero: folie, malédiction et subversion.

Le 16 juin 1948, naissait à Madrid celui qui allait devenir sans doute le poète espagnol le plus fou, maudit et subversif de la deuxième moitié du vingtième siècle. Alcoolique, héroïnomane, sa lucidité et son talent étaient paradoxalement aussi forts que sa folie, sa démesure et sa subversion parce que dans un monde où la grille d´interprétation qui le régit se lit d´ordinaire à l´envers, il faut des hommes comme Leopoldo María Panero pour nous réconcilier avec la transgression, le véritable ferment qui fait bouger la littérature. On peut observer chez Panero le dialogue avec une tradition née dans le vingtième siècle, en particulier avec Antonin Artaud, d´artistes victimes d´une société répressive qui exclut ceux qui osent défier la dictature de la raison avec leurs délires et leurs folies. 

Leopoldo María Panero était fils de Leopoldo Panero, poète officiel du franquisme, et de Felicidad  Blanc, de famille républicaine. Déchiré entre deux traditions antagoniques, il n´a eu néanmoins aucun mal à choisir son camp dès sa jeunesse: celui de l´engagement républicain contre le régime puant du général Franco. Un régime  qui exsudait la bigoterie hypocrite, le militarisme cocardier et la répression contre ceux qui osaient se soulever contre le caudillo et ses sbires.

Le côté rebelle de Leopoldo María Panero l´a mené plusieurs fois en prison. Michi Panero  -un de ses frères, également poète tout comme l´autre frère Juan Luis Panero – a tenu un jour les propos qui suivent concernant les arrestations de son frère : «Une des premières choses à motiver le changement de pouvoir à la maison, c’est-à-dire de Juan Luis à Leopoldo, ce fut précisément la série d’arrestations politiques de Leopoldo. Les deux dont je me souviens le mieux, parce qu’elles furent celles qui eurent le plus d’impact, furent les suivantes : à l’occasion du referendum, Leopoldo distribuait, ou plutôt était en train de coller des affiches de propagande qui invitaient à «ne pas voter», quand il fut pris par un veilleur de nuit rue Ibiza. Ce veilleur de nuit l’attrapa et l’emmena dans une boulangerie jusqu’à l’arrivée de la police. Leopoldo raconte, il m’a raconté, que pendant cette attente, il prit toute la propagande qu’il portait dans les poches et la jeta dans la masse du pain. C’est-à-dire qu’il est donc tout à fait possible que le jour suivant dans toute la rue Ibiza, voire tout le quartier de Retiro, il y ait eu du «ne pas voter» dans le pain. La deuxième arrestation de Leopoldo dont je me souviens pendant ces années-là ce fut lorsque Leopoldo, dans une manifestation de la rue Bravo Murillo, au cri de «Par ici ! Par ici !», conduisit un groupe de 50 ou 60 manifestants à la seule impasse qu’il y avait dans toute la rue Bravo Murillo. Bien sûr, on attrapa tout le monde, y compris mon frère Leopoldo.».

Leopoldo Maria Panero a étudié la philosophie et les lettres à la prestigieuse Université Complutense à Madrid et la philologie française à l´Université de Barcelone. C´est à cette époque qu´il s´est lié d´amitié avec le poète catalan Père Gimferrer. Cette rencontre avec un grand poète écrivant en deux langues- castillan (ou espagnol, si vous préférez) et catalan –fut décisive pour l´affirmation de son esthétique. À ce propos et sur ses jeunes années, il a écrit dans Bonne nouvelle du désastre et autres poèmes : «À seize ans environ, je suis entré dans un parti communiste alors illégal et j´ai participé à la lutte politique. C´est alors que je me suis mis à écrire des poèmes, sous l´influence de Père Gimferrer, que j´ai connu dans le club de jazz Borbón. Plus tard, je suis entré en prison pour trafic de drogue et j´y ai découvert mon homosexualité, qui auparavant avait été latente. Ensuite, c´est une longue histoire d´asiles de fous qui me séparent de mes amis et me font haïr ma mère». De ces jeunes années de Leopoldo María Panero datent, on l´a vu, ses premiers séjours dans des établissements psychiatriques. La consommation de drogues et de boissons alcoolisées sont les raisons qui l´ont mené notamment à Leganés, à Tenerife et à  Mondragón, ce qui lui a inspiré les Poemas del manicomio de Mondragón (Poèmes de l´asile de Mondragón). Dans un de ses poèmes, il a écrit (je traduis directement) : «Les livres tombaient sur mon masque (où il y avait un rictus de vieux moribond) et les mots me fouettaient et un tourbillon de gens hurlait contre les livres, donc je les ai tous jetés sur le bûcher pour que le feu défasse les mots…». Il a d´ailleurs poursuivi son œuvre de poète, de traducteur, de critique et d´essayiste au sein de ces institutions psychiatriques où il a vécu dont il pouvait toutefois sortir pour donner des lectures et mener des activités littéraires. Il a écrit de nombreux articles contre la psychiatrie et a notamment écrit : «Le psychiatre ne peut rien faire, sinon se suicider». Ses séjours intercalés dans ces asiles psychiatriques ne l´ont pourtant pas empêché de voyager et de s´installer pour un temps en France et au Maroc. 

Les premiers poèmes de Leopoldo María Panero ont suscité de l´admiration et ont poussé José María Castellet à le placer dans le groupe des Tout Nouveaux (Los Novísímos), et à l´inclure dans l´anthologie Los nueve novísimos poetas españoles (Les neuf tout nouveaux poètes espagnols). Néanmoins, trente ans plus tard, Leopoldo María Panero s´est plaint d´avoir été le seul poète du groupe qui fût absent d´un rendez-vous qui célébrait la parution de ladite anthologie trois décennies plus tôt. Outre Leopoldo María Panero, de cette anthologie faisaient partie Manuel Vásquez Montalbán (1939-2003), Antonio Martínez Sarrión 1939-2021), José María Álvarez (1942-2024), Félix de Azúa (1944), Pere Gimferrer (1945), Vicente Molina Foix (1946), Guillermo Carnero (1947) et Ana María Moix (1947-2014). Pour Manuel Vásquez Montalbán, un des plus connus parmi les auteurs sélectionnés de cette anthologie, «la sélection de Castellet fut le portrait de celle qui incarnait en ce temps-là la jeune poésie espagnole ; elle saisissait un fragment et un moment et c´était l´image réelle d´une évolution esthétique qui cadrait parfaitement dans la logique interne de notre littérature contemporaine» (El País, le 3 décembre 1985).

Dans l´édition des œuvres complètes de Leopoldo María Panero –décédé à Las Palmas le 5 mars 2014 – publiée par l´excellente maison d´édition Visor (1), volume comprenant la période entre 1970 et 2000 –il y a aussi deux autres volumes (2000-2010 et 2011-2014), le poète étant décédé le 5 mars 2014 à Las Palmas- Túa Blesa, professeur de l´Université de Saragosse, rappelle la richesse lexicale et les différents langages sociaux du poète et pourtant ce qui résonne en chacun des types textuels c´est le silence. Il ne s´agit pourtant pas d´un silence vierge de signification, mais plutôt d´un silence qui reflète comme dans un miroir un autre où la poésie s´est recroquevillée. Un silence qui revient pour être jeté à la figure de ceux qui tiennent le pouvoir du discours, de ceux qui prescrivent ce que l´on peut (ou doit) ou pas dire, ce qui va circuler dans le dialogue social. De ce dialogue, le discours poétique en a été exclu. On en a fait une allocution sans réponse, mot que nul n´a dit et qui n´est adressé à personne. De telle loi, la poésie de Panero se constitue comme une infraction permanente en démasquant au fur et à mesure son esprit et sa lettre. Poésie politique, donc, non plus parce que quelques-unes de ses pages le sont dans le sens traditionnel, mais parce qu´elles le sont toutes et chacune d´entre elles au bout du compte en tant que réinscription du silence du destin prescrit.

La poésie de Panero est une poésie du désir, mais aussi de la violence, de la désobéissance et de l´expérience de la mort. On suit toujours la pensée de Túa Blesa : «Quand se forme la voix du «je» sur un point qui est au-delà de la vie, sa vision est l´image du jamais vu et son savoir, donc, celui qui n´a jamais été dit, justement le secret. Un secret qui est à présent avoué, dont le poème rend intervenant le lecteur pour qu´il soit enfin lu, comme si la mort pouvait «se lire», alors qu´elle ne pouvait être autre chose qu´événement –l´événement dernier et premier, le seul réel -, expérience de l´être, d´un être, expérience d´un être qui ne peut la transférer à aucun autre. Néanmoins, obstinément, les poèmes de Panero reviennent à une tombe imaginaire, à cette crypte dont on évacue la parole, qui reste ainsi marquée, du fait de sa provenance, comme cryptique».

Si la folie est au cœur de la vie et de l´œuvre de Panero, le poète a toujours mis l´accent sur la lucidité de son travail. Comme nous le rappelle Vinicius Silva de Lima, de l´Université de Londrina, au Brésil, dans un texte brillant, publié en 2010 dans Estação Literária –quand Panero était encore en vie -, Panero est sûrement un des fous qui aient le plus parlé de folie, mais il écarte l´idée que les travaux littéraires sont souvent le fait de la folie. Vinicius Silva de Lima écrit dans son essai (je traduis directement) : «Nous pouvons affirmer que la question du délire, du discours déplacé et d´auto-marginalisation peuple toute la production de Panero. Pourtant, tout cet univers apparemment nébuleux, impalpable où «la poesía de la locura quiere decir poesía opaca, dura, impermeable al signo, a la razón, semejante todo lo más a la pintura abstracta (Panero, apud García 2008 ; en français ; La poésie de la folie veut dire poésie opaque, dure, imperméable au signe, à la raison, en tout pareille à la peinture abstraite), c´est pour le poète fruit d´un extrême exercice de lucidité». Vinicius Silva de Lima nous rappelle encore que dans la préface à son livre El ultimo hombre (Le dernier homme, 1983), Panero est assez clair en présentant la poésie comme un travail d´artisan qui consiste en un profond exercice avec les mots : «Je dois dire aussi dans cette sorte de poétique que, tout comme Mallarmé, je ne crois pas en l´inspiration. La littérature comme le disait Pound, est un travail, un job, et tout ce qui nous revient c´est de faire un bon travail et être compris (…) Tout ce que le poète inspiré ignore est que trouver c´est difficile, que la bonne poésie ne tombe pas du ciel, ni attend rien de la jeunesse ou du désir» (2).    

Leopoldo María Panero (3) compte donc parmi les poètes qui peuplent l´univers littéraire  de leurs voix eschatologiques et révolutionnaires en subvertissant toutes les normes de la décence et en attirant l´attention sur une société malade. Toujours selon Vinicius Silva de Lima, «en s´attaquant à tout et à tous, en cherchant sa propre destruction, il affiche son mépris profond à l´égard du monde. En ce sens, la mission du poète est donc toujours celle d´offrir une conscience critique devant le soi-disant bien-être de la société».

 

(( (1)  Leopoldo María Panero a près d´une vingtaine de titres traduits en français, pour la plupart chez les éditeurs Fissile et Zoème.

(2)  L´extrait en espagnol : «También he de decir, en esta suerte de poética, que, al igual Mallarmé, no creo en la inpiración. La literatura, como decía Pound, es un trabajo, un job, y todo lo que en ella nos cabe es hacer un buen trabajo, y ser comprendidos (…) Algo que no sabe decididamente el poeta inspirado es que trovar es difícil, que la buena poesía no cae del cielo, ni espera nada de la juventud o el deseo. (Panero 2001: 287 - 8)».

(3)  Pour ceux qui veulent mieux connaître la vie et l´œuvre  de Leopoldo María Panero la biographie de J.Benito Fernández El contorno del abismo(Anagrama). Ce livre n´est pas encore traduit en français.

jeudi 3 juillet 2025

Article pour Le Petit Journal Lisbonne.

 Vous pouvez lire sur le site du Petit Journal Lisbonne ma dernière chronique. J´écris sur le roman La nef de Géricault de Patrick Grainville, publié aux éditions Julliard.

https://lepetitjournal.com/lisbonne/a-voir-a-faire/la-nef-de-gericault-un-roman-de-patrick-grainville-417582