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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

jeudi 14 novembre 2024

Article pour Le Petit Journal Lisbonne.

 Vous pouvez lire sur le site du Petit Journal Lisbonne ma chronique sur le roman Badjens de Delphine Minoui, publié aux éditions du Seuil.

https://lepetitjournal.com/lisbonne/livre-badjens-un-roman-de-delphine-minoui-396445





lundi 4 novembre 2024

Le Goncourt 2024 est attrbué à Kamel Daoud.



 Une nouvelle qui me réjouit énormément. Le Prix Goncourt 2024 fut attribué aujourd´hui au très beau roman Houris écrit par l´écrivain franco-algérien Kamel Daoud et publié aux éditions Gallimard. Je lui ai consacré une chronique parue dans le quotidien numérique Le Petit Journal Lisbonne le 26 septembre (vous pouvez en retrouver le lien sur ce blog).

Je signale aussi que le Prix Renaudot a récompensé un autre  beau roman, Jacaranda de Gaël Faye, publié aux éditions Grasset.  

mercredi 30 octobre 2024

Chronique de novembre 2024.

 


Sacha Filipenko, l´honneur de la dissidence.

 

«Un livre plein de bruit et de fureur, mais aussi de grandeur et de douceur». Ces lignes ont été publiées le 15 mars 2018 au Figaro Littéraire jaillissant de la plume d´Astrid de Larminat et elles définissaient le roman Croix Rouges, le premier livre de l´écrivain Sacha Filipenko paru en français et traduit du russe par Anne-Marie Tatsis-Botton pour le compte des Éditions des Syrtes. Cette définition pourrait tout autant s´appliquer à d´autres livres de ce jeune et brillant écrivain biélorusse, né à Minsk le 12 juillet 1984, qui ne mâche pas ses mots et qui au fil des ans s´est affirmé comme une des voix incontournables de la littérature contemporaine en langue russe. Ce premier roman traduit en français, Croix Rouges, est une interrogation sur la mémoire individuelle qui s´efface peu à peu tout autant que sur la mémoire collective qui disparaît avec les derniers survivants d´une histoire tragique. La croix rouge rappelle les prisonniers soviétiques abandonnés pendant la seconde guerre mondiale. C´est aussi le signe que dessine Tatiana Alexeïevna, une vieille dame malade, sur les portes pour retrouver celle de son appartement et la croix que portaient les citoyens soviétiques soumis à la terreur. Tatiana établit un dialogue avec Sasha, un jeune frais débarqué dans son immeuble. La vie de Tatiana est obsédée par la recherche de la vérité tandis que Sasha essaie de tourner une page douloureuse afin de continuer de vivre. La croix est également l´objet des dernières volontés de l´héroïne.

Paru en janvier 2020, La traque est le deuxième roman de Sacha Filipenko traduit en français (cette fois-ci par Raphaëlle Pache). Il s´agit d´une histoire de chasse à l´homme et de persécution psychologique. En enquêtant sur un homme politique douteux qui incarne la corruption et le vice, le journaliste Anton Piaty devient la cible des hommes de main de l´oligarque. Ils ne reculent devant rien et ne laissent rien au hasard. La vie du journaliste est tellement insupportable qu´il est forcé à s´expatrier. Le romancier démonte avec brio tous les rouages de cette traque et son personnage est le parangon du lanceur d´alerte obstiné. La traque tient de la fable politique et du roman noir.   

En 2022, sur un autre éditeur, Noir sur Blanc, paraissait Le fils perdu, traduit par Philie Arnoux et Paul Lequesne. Encore une fois, Sacha Filipenko interroge, à travers la fiction, la violence des régimes soviétique et post- soviétique, aussi bien que les rouages de la terreur et leurs conséquences sur les êtres qui y sont confrontés. Sa compatriote Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de Littérature 2015 (voir notre chronique de décembre 2014) a affirmé un jour que si l´on veut entrer dans la tête de la Russie jeune, de la Russie moderne, il faut lire Filipenko.

Dans cette fiction, on découvre Francysk, jeune homme de seize ans qui étudie la musique dans une ville de Biélorussie et qui tombe dans le coma à la suite d´une violente bousculade lors d´un mouvement de foule. Il est abandonné par la plupart de ses proches. Seule sa grand-mère Elvira lui rend visite chaque jour et s´inquiète de son sort. Après dix ans de coma, Francsysk se réveille et on lui annonce que sa grand-mère est décédée. C´est le moment où il se rend compte que ses proches ont changé de vie. Par contre, dans le pays, le temps semble s´être arrêté : le même président autoritaire, le départ des jeunes devant un avenir sans perspectives et la répression de toute contestation.

Le quatrième livre publié en langue française est disponible depuis janvier dernier, toujours aux éditions Noir sur Blanc, traduit du russe par Marina Skalova. Il s´intitule Kremulator et plonge dans l´Union Soviétique du temps des grandes purges staliniennes. En 1941, le directeur du crématorium de Moscou, Piotr Nesterenko, est arrêté. Il n´ignore nullement ce qui arrive aux victimes puisqu´il les a lui-même incinérées : opposants, espions présumés, anciens héros de la révolution et autres ennemis du peuple. Au fil des interrogatoires, il doit répondre de sa vie tumultueuse : officier de l´Armée blanche ayant fui les bolcheviks jusqu´en Ukraine, survivant d´un étrange accident d´avion, émigré à Istanbul puis à Paris, amoureux fidèle à la passion de sa jeunesse, bref tout un parcours qui n´est pas de nature à plaire aux autorités soviétiques. À un moment donné, se noue un jeu du chat et de la souris entre le prisonnier et son commissaire-enquêteur, brouillant les cartes entre le bourreau et la victime, la justice et le mensonge, le bien et le mal.

L´auteur ici entrelace avec un énorme doigté la fiction et les documents historiques. Il dépeint sous des teintes ironiques une histoire macabre et folle depuis l´intérieur d´un État totalitaire.  Dans la préface, Sacha Filipenko raconte ce qui l´a amené à écrire ce livre et pourquoi il l´a intitulé Kremulator (Kremonliator, en russe : «Une première version du roman avait pour titre «L´interrogatoire nocturne». Ce titre me déplaît fortement, alors je cherche, je cherche et mets plus d´un an avant d´aboutir à une idée simple : Kremulator, le mot russe pour «crémulateur». Un mot dans lequel le lecteur entend à la fois un écho du Kremlin et le nom d´un métier qui n´existe pas. Le crémulateur est un instrument précis, un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d´un individu après sa crémation (oui, certains cartilages résistent même à une heure et demie au four). Il me semble qu´il n´y a pas de meilleure métaphore pour désigner la machine répressive soviétique». Kremulator fut couronné du Prix Transfuge du meilleur roman européen 2024.

 Après des études secondaires qui lui ont permis d´obtenir un diplôme du prestigieux lycée des Beaux –Arts Ivan Akhremchik, Sacha Filipenko s´est installé à Saint-Pétersbourg où il s´est inscrit à la Faculté des Arts libéraux et des Sciences à l´université d´État locale. Il fut journaliste, scénariste, animateur de télévision avant de se consacrer essentiellement à la littérature. Pour s´être ouvertement opposé au président autocrate de son pays Alexandre Loucachenko  et avoir soutenu Maria Kolesnikova- musicienne et femme politique toujours incarcérée en Biélorussie – Sacha Filipenko vit maintenant en Suisse.

En 2020, alors qu´il habitait Saint – Pétersbourg, Sacha Filipenko est temporairement retourné dans son pays pour soutenir et documenter le soulèvement du peuple contre Alexandre Loukachenko. Le 21 septembre, il publiait une tribune dans le quotidien français Le Monde où il se prononçait sur la situation dans son pays. Ses mots étaient forts et courageux : «Au moment où je vous parle, nous vivons dans un pays dont des terroristes se sont emparés. En direct, nous voyons des gens armés terroriser un peuple entier. Chaque jour, des hommes masqués font irruption dans nos maisons ou nous kidnappent dans la rue. Chaque jour ! Ces terroristes prennent des écoliers, des femmes et des journalistes en otage. Ce sont des faits. En ce moment même, là, dans mon pays, des gens sont battus à mort et, ensuite, dans un maladroit simulacre de suicide, on les transporte jusqu’à un parc et on les pend aux arbres. On tire sur la population. Dans le dos, dans la tête, à vue, on tue. Les exactions se poursuivent tous les jours, pourtant personne ne peut nous aider. Nous n’avons ni police, ni armée, ni KGB, parce que le ministère de l’intérieur, le KGB et l’armée sont précisément les terroristes qui se sont emparés de nous. C’est donc ainsi que nous vivons et, malgré toutes les horreurs qui nous arrivent, nous nous efforçons de ne pas perdre courage, de rester des gens libres et, le soir, d’aller par exemple au café. Avec nos amis (ceux qui, pour l’instant, n’ont pas été arrêtés et qu’on ne torture pas dans quelque prison), nous nous efforçons de faire comme si rien n’avait changé dans notre pays, mais sans résultat probant».

Depuis lors, la vie n´a pas changé en Biélorussie. Loucachenko règne toujours sans partage et qui plus est joue un peu le rôle d´homme de main de Vladimir Poutine et de la Russie dans la guerre contre l´Ukraine. Néanmoins, les Biélorusses continuent de lutter avec leurs moyens- parfois assez limités, il est vrai –contra le dictateur et ses séides, même si l´on entend de moins en moins parler de la Biélorussie ces derniers temps, la réalité du pays étant en quelque sorte mise sous le boisseau en raison des attaques de la Russie contre l´Ukraine, deux pays voisins. Fin mai, Sasha Filipenko a accordé une interview à Euronews où il évoquait la résistance de son pays contre la dictature qui y sévit : «Les personnes qui détiennent le pouvoir en Biélorussie essaient toujours de "nettoyer" la moindre parcelle de ce pays. Malheureusement, la répression se poursuit. Chaque jour, il y a des perquisitions,  il y a des arrestations, nous voyons des tribunaux tout le temps et, je pense, cela ne fait que confirmer que la protestation n'a pas cessé. Ce n'est pas aussi beau que les manifestations de 2020, mais la température constante du maintien de la répression montre que la société biélorusse, j'en suis fermement convaincu, n'a pas lâché. Les Biélorusses n'ont pas baissé les bras et cherchent de nouveaux moyens de lutte et de sabotage».

Sur le rôle de l´écrivain et de la littérature (et aussi sur sa situation spécifique) dans un pays qui muselle la presse et la création artistique, Sacha Filipenko a affirmé : «La situation, comme beaucoup d´autres situations en Biélorussie, est plutôt surréaliste. Par exemple, les représentations de mes pièces de théâtre sont interdites. Une procédure pénale a été ouverte contre moi, mais je ne sais toujours pas en vertu de quel article. Les livres sont parfois disponibles dans les librairies, mais ils ne sont pas sur les étagères. C´est-à-dire qu´il faut demander au vendeur s´il y a des livres de Filipenko et celui-ci, comme un dealer, dit : «Oui, venez avec moi, je vous donnerai un livre». Malheureusement, les écrivains sont de moins en moins écoutés aujourd´hui, car si vous lisez attentivement nos livres, nous avons déjà écrit en 2010 et en 2014 que cette guerre aurait lieu. Les écrivains sont souvent traités d´«alarmistes». Je pense que ce n´est pas tant que les écrivains ont besoin de conseils, mais que la société devrait de temps en temps écouter les écrivains. J´ai récemment pris la parole à Berlin, et mon discours a été retardé de 40 minutes parce que des politiciens allemands bien connus s´adressaient à moi. J´ai alors déclaré que je pensais que ce monde serait un peu meilleur et que j´espérais qu´il serait meilleur lorsque les hommes politiques parleraient après les écrivains, et non l´inverse».

Sacha Filipenko ou l´honneur de la dissidence.

 

lundi 21 octobre 2024

Centenaire de la naissance d´António Ramos Rosa.

 


Jeudi dernier, 17 octobre, on a signalé le centenaire de la naissance à Faro d´Antonio Ramos Rosa, immense poète portugais, décédé à Lisbonne le 23 septembre 2013.

Sa région natale, l´Algarve, constitue l'essence de son inspiration. Ses textes expriment son rejet de l'oppression sociale et l´attachement à la condition humaine.

En 1951, il fonde la revue Arvore, qui devient un moyen d'expression pour de grandes plumes de la poésie française comme René Char et Paul Éluard. Il est emprisonné sous le régime de Salazar, l'Estado Novo, qu'il désapprouve.

Au cours d'une carrière longue de trente-cinq ans, il signe pas moins d'une centaine d'œuvres, dont Le livre de l'ignorance et le Dieu nu qui lui valent d'obtenir d´importants prix littéraires.

jeudi 10 octobre 2024

Han Kang couronnée du Prix Nobel de Littérature 2024.

 


Le comité Nobel a récompensé la romancière sud-coréenne Han Kang, jeudi 10 octobre. Han Kang, qui écrit des  poèmes, des  nouvelles et des romans en coréen, a été récompensée « pour sa prose poétique intense qui affronte les traumatismes historiques et expose la fragilité de la vie humaine », a expliqué le jury dans un communiqué. Parallèlement à l’écriture, elle s’est également consacrée à l’art et à la musique, ce qui se reflète dans l’ensemble de sa production littéraire. « L’œuvre de Han Kang se caractérise par cette double exposition de la douleur, une correspondance entre le tourment mental et le tourment physique, en lien étroit avec la pensée orientale », a précisé l´Académie suédoise.

L’autrice est née le 27 novembre 1970 à Gwangju, en Corée du Sud, et elle est la première sud-coréenne à remporter le Prix Nobel de Littérature. 

Fille de l’écrivain Han Sung-won, l’autrice a reçu le prix Emile-Guimet de littérature asiatique en 2024.


vendredi 4 octobre 2024

Centenaire de la naissance de José Donoso.


 On signale ce samedi 5 octobre le centenaire de la naissance de José Donoso, un des plus grands écrivains chiliens du vingtième siècle, décédé en 1996. Vous pouvez chercher dans les archives de ce blog la chronique que je lui ai consacrée il y a quelques mois(chronique de juillet 2024).

lundi 30 septembre 2024

La mort de Jacques Réda.

 


On vient d´apprendre la mort aujourd´hui même , le 30 septembre, du poète français Jacques Réda, né le 24 janvier 1924.

On reproduit ici la notice nécrologique que les éditions Gallimard ont publiée sur son site internet:

«(...)Poète et critique à l’œuvre abondante et variée, nourrie de son amour pour la science, le jazz et la toponymie urbaine (et pour mille autres choses encore), il fut lecteur puis éditeur chez Gallimard à partir de 1975 et membre du comité de lecture à partir de 1983, ainsi que rédacteur en chef de La Nouvelle Revue française de septembre 1987 à décembre 1995.

Par ses œuvres comme par l’attention qu’il ne cessa de porter aux autres écrivains de son temps, cet homme de revues, grand admirateur de Charles-Albert Cingria, témoigna de son attachement à une littérature de création qui sache tenir toutes ses promesses d’expression et de vérité humaine, sans jamais se défaire du lien avec le lecteur, la nature et le monde comme il va.

Salué par le Grand Prix de poésie de l’Académie française en 1997, il a publié la plus grande part de son œuvre aux Éditions Gallimard après qu’il y a été accueilli dans la collection "Le Chemin" de Georges Lambrichs en 1968 ("Amen").

Cette œuvre s’est poursuivie jusqu’à la publication récente du cinquième tome de sa "Physique amusante" et des "Leçons de l’arbre et du vent", où il écrivait :

« Il est une forêt sans borne où je voudrais / M’enfoncer, en mourant, loin de la médecine // […] J’y prendrai tout doucement racine / Quitte de mes devoirs et de mes intérêts / Dans l’absence de temps où l’Arbre se dessine. »

Le départ de Jacques Réda laisse un grand vide pour tous ses amis qui aimaient tant sa compagnie, la finesse de son esprit, son humour et les attentions touchantes de sa très belle personnalité».