Rodolfo Walsh, « les fusillés vivants» et le journalisme militant.
L´écrivain et journaliste argentin Rodolfo Walsh n´a jamais pu oublier la soirée du 18 décembre 1956. C´est dans un bar de La Plata, un quartier populaire de Buenos Aires où les chalands s´amusaient d´habitude à jouer aux échecs, qu´un ami lui a livré un petit secret sous la forme d´une phrase on ne peut plus bizarre qui allait changer sa vie et sa carrière journalistique : «Il y a un fusillé vivant» ! Trois jours plus tard, il avait rendez-vous avec Juan Carlos Livraga qui était non pas le fusillé vivant, mais tout bonnement un des fusillés vivants puisqu´il y en avait d´autres !
L´histoire s´était amorcée le 9 juin 1956 lors d´une tentative avortée de coup d´état, perpétrée par des partisans de Perón, sous la baguette du général Juan José Valle, contre le régime militaire argentin. Après que l´insurrection fut matée, le gouvernement en place- celui de la Revolución libertadora, commandé par le général Pedro Eugenio Aramburu - sous couvert de la loi martiale, a procédé à de nombreuses arrestations parmi lesquelles celles de civils apolitiques qui s´étaient rassemblés en un appartement du quartier de Florida, à Buenos Aires, pour écouter, dans leur grande majorité, un combat de boxe à la radio. Ces arrestations étaient néanmoins illégales puisque ces civils ont été détenus avant la promulgation du décret et l´annonce publique de l´instauration de la loi martiale. Sans qu´on leur eût donné la moindre explication, ils furent emmenés, six heures plus tard, près d´un dépôt d´ordures de la localité de José Léon Suárez, dans la province de Buenos Aires, pour y être fusillés. Des douze «condamnés» cinq sont effectivement morts -Nicolás Carranza, Francisco Garibotti, Carlos Alberto Lizaso, Mario Brión et Vicente Damian Rodriguez- mais sept autres sont miraculeusement parvenus à survivre à la fusillade : Horacio Di Chiano, Miguel Angel Giunta, Rogelio Díaz, Norberto Gavino, Julio Troxler, Reinaldo Benavidez, outre, bien entendu, Juan Carlos Livraga. Ils ont pu échapper à la mort soit parce que les coups de fusil ne les ont pas atteints soit grâce à un extraordinaire coup de pouce. Pourtant ils n´ont pas tous connu le même sort : Di Chiano est sorti indemne de la fusillade sans aucune égratignure ; Livraga, Giunta et Díaz ont été à nouveau emprisonnés pendant quelque temps alors que Gavino, Benavídez et Troxler(qui serait assassiné, pour des raisons politiques, deux décennies plus tard, en 1974) sont partis en exil en Bolivie.
Rodolfo Walsh, après avoir pris contact avec Livraga, a mené l´enquête, reconstitué les événements de la soirée, mis en échec, témoignages à l´appui, la version officielle des faits et il a ainsi pu écrire un livre intitulé Operación Masacre(Opération Massacre) qui a inauguré un nouveau style journalistique : le journalisme d´investigation ou journalisme –enquête neuf ans avant le livre communément considéré comme le précurseur de ce nouveau genre : Cold blood (De sang froid) de l´écrivain américain Truman Capote. Rodolfo Walsh a eu, cela va sans dire, du fil à retordre pour convaincre les gens de la véracité de son récit. Dans un premier temps, la presse a d´ailleurs purement et simplement ignoré les événements. La première nouvelle n´a vu le jour que le 23 décembre 1956 quand Leónidas Barletta a décidé de publier dans son journal Propósitos le témoignage de Juan Carlos Livraga, grâce- on le sait aujourd´hui- à la persévérance de Walsh. Les premiers reportages, Walsh les a publiés dans le journal Revolución Nacional, puis dans le magazine Mayoria, des frères Tulio et Bruno Jacovella, avant de les rassembler en un livre de plus de deux cents pages paru chez la maison d´édition Sigla en 1957. Le livre a connu plusieurs rééditions, revues et augmentées, jusqu´à la dernière en date- il y a de cela deux mois- chez 451 editores en Espagne qui reprend l´édition définitive, mise à jour en 1972. Si d´une part l´enquête de Walsh n´a pas produit en quelque sorte, les résultats escomptés, puisque aucun responsable- fût-il militaire ou civil- ne fut jamais traduit en justice, d´autre part son livre a connu un énorme retentissement et a marqué un tournant dans l´histoire du journalisme argentin. En 1972, Jorge Cedrón en a tiré un film et, il y a quelques années, avec plus de quatre décennies de retard, l´État argentin a pu finalement rendre un hommage posthume aux fusillés du 9 juin 1956.
L´ironie du sort a voulu que Rodolfo Walsh fût lui aussi victime d´une mort atroce.
Cet écrivain et journaliste tenace et militant était né en 1927 à Choele Choel, un petit village de la province patagonique de Río Negro, issu d´une famille d´ascendance irlandaise. À l´âge de dix-sept ans, il a commencé à travailler dans une éditoriale à Buenos Aires, d´abord comme correcteur, puis comme traducteur de polars. Jusqu´à la parution du polar Variaciones en rojo(1953) , il a mené une vie plutôt discrète, publiant ici ou là de petits récits, contes ou reportages. Après le livre- enquête sur les événements du 9 juin 1956, il est devenu un journaliste respecté et un remarquable écrivain. Parmi ses principaux titres, on compte Diez cuentos policiales, Granada et Batalla(deux pièces de théâtre) Quién mató a Rosendo ?et Caso Satanovsky(deux enquêtes selon le modèle d´Operación Masacre)Los oficios terrestres(Les métiers terrestres,apparemment un des rares livres de l´auteur traduits en français, dont il existe une édition de 1990 chez Découverte) et Un kilo de oro. Ces deux derniers livres sont considérés par nombre d´observateurs comme deux des meilleurs recueils de contes de la littérature argentine. Mais Rodolfo Walsh concevait le journalisme comme un métier militant et son activisme politique est devenu très incisif dès la parution de Operación Masacre et surtout à partir des années soixante où il a fondé à La Havane l´Agencia de Prensa Latina. De retour en Argentine, il s´est engagé en des causes sociales et politiques. En 1970, il a fait une déclaration qui attestait sa lucidité et confirmait à ceux qui ne voulaient pas l´entendre de cette oreille que Rodolfo Walsh n´ignorait pas que si journalisme et littérature faisaient bon ménage, les différences entre les deux genres étaient notoires lorsqu´il s´agissait de choisir celui qui se prêtait le mieux au combat politique : « La dénonciation traduite dans l´art du roman devient inoffensive, c´est-à-dire se sacralise en tant qu´art, alors que le document, le témoignage, admet tout degré de perfection. Dans le travail d´investigation, s´ouvrent d´immenses possibilités artistiques.»
Poussé par le désir d´aider les laissés–pour-compte, Rodolfo Walsh s´est enrôlé en des combats aux méthodes fort discutables à la lumière de ce que nous concevons aujourd´hui comme instruments de contestation devant l´injustice et les inégalités sociales, mais qui à l´époque étaient dans l´esprit du temps et tolérés comme des mouvements légitimes de prise de pouvoir par une grande partie de l´intelligentsia de gauche sud-américaine. Au début des années soixante-dix (peut-être un peu avant), il a rejoint les Forces Armées Péronistes et puis a adhéré à l´organisation Montoneros(1) où il a fondé le quotidien Noticias. Plus tard, en 1976, après le coup d´État de Videla et ses pairs, il a créé l´Ancla(agence clandestine de nouvelles). En cette même année, le malheur s´est abattu sur sa vie: sa fille Vicky(2), guérillero elle aussi du mouvement Montoneros, mourait en un combat contre l´Armée en se tirant un coup de revolver sur la tête aux cris de «Vous ne nous tuez pas, nous avons choisi nous-mêmes la mort.» Plongés dans la consternation, Rodolfo Walsh et sa femme Lilia se sont retirés dans la petite ville de San Vicente où le journaliste militant a commencé à préparer, de sa plume acérée et percutante, une lettre ouverte- à envoyer à la presse- adressée à la junte militaire de Videla et ses sbires. Dans cette lettre qu´il a mise à la poste le 25 mars 1977, le jour du premier anniversaire du coup d´Etat, il dénonçait les crimes, les tortures et les camps de concentration de la dictature et interpellait les Militaires sur les disparus.
On a souvent affirmé que c´est cette lettre qui aurait provoqué sa mort –le jour même de l´envoi de la lettre- mais on sait aujourd´hui que quand les militaires ont tiré sur lui ils ignoraient encore qu´il avait écrit la lettre.
Plus de trente ans après sa mort, Rodolfo Walsh reste dans mémoire de ceux qui l´ont connu comme un homme anticonformiste et persévérant, ne reculant devant aucun écueil. Pour l´histoire du journalisme et de la littérature argentine, il est celui qui a honoré son métier et qui a fait de sa plume une arme contre l´injustice et la quête de la vérité.
D´aucuns- comme je l´ai insinué plus haut- considèrent Rodolfo Walsh comme le précurseur du journalisme d´investigation, devançant de huit ans, avec Operación Masacre le célèbre Cold Blood de Truman Capote. Mais Rodolfo Walsh n´en avait cure, il n´a jamais réclamé ce titre un tant soit peu honorifique. Indirectement, à travers le brillant Operación Masacre, et sans probablement s´en rendre compte, il aura accompli- comme certains observateurs l´ont d´ordinaire rappelé- un de ses rêves : écrire des polars pour les pauvres…
(1)Les Forces Armées Péronistes et Les Montoneros étaient des mouvements de guérilla. Le premier a été fondé en 1968 et s´est fragmenté vers le milieu des années soixante-dix en des groupuscules peu expressifs. Les Montoneros, mouvement atypique mélangeant, en quelque sorte, péronisme et castrisme, a vu le jour en 1970, est devenu clandestin en 1974 et aura disparu en 1979. L´enthousiasme de Walsh se serait estompé vers 1974 et il se serait un peu détourné de l´organisation. Certaines voix lui imputent à blâme d´être le mentor de quelques actions violentes perpétrées par les deux organisations, ce que l´on n´a jamais pu prouver.
(2) Vicky était le diminutif de Maria Victoria. L´autre fille de Rodolfo Walsh, Patricia, vit toujours et elle est une femme politique.
P.S- Pour écrire cet article j´ai consulté plusieurs sources dont je me permets de relever l´article de Leila Guerreiro, «Rodolfo Walsh, ó como no ser un hombre qualquiera.», paru dans l´édition du 1er novembre 2008 du quotidien espagnol El País, et, sur internet, les sites argentins www.rodolfowalsh.org et www.literatura.org. Sur ce dernier site, on pourra lire aussi la lettre ouverte adressée par l´auteur à la junte militaire.
L´histoire s´était amorcée le 9 juin 1956 lors d´une tentative avortée de coup d´état, perpétrée par des partisans de Perón, sous la baguette du général Juan José Valle, contre le régime militaire argentin. Après que l´insurrection fut matée, le gouvernement en place- celui de la Revolución libertadora, commandé par le général Pedro Eugenio Aramburu - sous couvert de la loi martiale, a procédé à de nombreuses arrestations parmi lesquelles celles de civils apolitiques qui s´étaient rassemblés en un appartement du quartier de Florida, à Buenos Aires, pour écouter, dans leur grande majorité, un combat de boxe à la radio. Ces arrestations étaient néanmoins illégales puisque ces civils ont été détenus avant la promulgation du décret et l´annonce publique de l´instauration de la loi martiale. Sans qu´on leur eût donné la moindre explication, ils furent emmenés, six heures plus tard, près d´un dépôt d´ordures de la localité de José Léon Suárez, dans la province de Buenos Aires, pour y être fusillés. Des douze «condamnés» cinq sont effectivement morts -Nicolás Carranza, Francisco Garibotti, Carlos Alberto Lizaso, Mario Brión et Vicente Damian Rodriguez- mais sept autres sont miraculeusement parvenus à survivre à la fusillade : Horacio Di Chiano, Miguel Angel Giunta, Rogelio Díaz, Norberto Gavino, Julio Troxler, Reinaldo Benavidez, outre, bien entendu, Juan Carlos Livraga. Ils ont pu échapper à la mort soit parce que les coups de fusil ne les ont pas atteints soit grâce à un extraordinaire coup de pouce. Pourtant ils n´ont pas tous connu le même sort : Di Chiano est sorti indemne de la fusillade sans aucune égratignure ; Livraga, Giunta et Díaz ont été à nouveau emprisonnés pendant quelque temps alors que Gavino, Benavídez et Troxler(qui serait assassiné, pour des raisons politiques, deux décennies plus tard, en 1974) sont partis en exil en Bolivie.
Rodolfo Walsh, après avoir pris contact avec Livraga, a mené l´enquête, reconstitué les événements de la soirée, mis en échec, témoignages à l´appui, la version officielle des faits et il a ainsi pu écrire un livre intitulé Operación Masacre(Opération Massacre) qui a inauguré un nouveau style journalistique : le journalisme d´investigation ou journalisme –enquête neuf ans avant le livre communément considéré comme le précurseur de ce nouveau genre : Cold blood (De sang froid) de l´écrivain américain Truman Capote. Rodolfo Walsh a eu, cela va sans dire, du fil à retordre pour convaincre les gens de la véracité de son récit. Dans un premier temps, la presse a d´ailleurs purement et simplement ignoré les événements. La première nouvelle n´a vu le jour que le 23 décembre 1956 quand Leónidas Barletta a décidé de publier dans son journal Propósitos le témoignage de Juan Carlos Livraga, grâce- on le sait aujourd´hui- à la persévérance de Walsh. Les premiers reportages, Walsh les a publiés dans le journal Revolución Nacional, puis dans le magazine Mayoria, des frères Tulio et Bruno Jacovella, avant de les rassembler en un livre de plus de deux cents pages paru chez la maison d´édition Sigla en 1957. Le livre a connu plusieurs rééditions, revues et augmentées, jusqu´à la dernière en date- il y a de cela deux mois- chez 451 editores en Espagne qui reprend l´édition définitive, mise à jour en 1972. Si d´une part l´enquête de Walsh n´a pas produit en quelque sorte, les résultats escomptés, puisque aucun responsable- fût-il militaire ou civil- ne fut jamais traduit en justice, d´autre part son livre a connu un énorme retentissement et a marqué un tournant dans l´histoire du journalisme argentin. En 1972, Jorge Cedrón en a tiré un film et, il y a quelques années, avec plus de quatre décennies de retard, l´État argentin a pu finalement rendre un hommage posthume aux fusillés du 9 juin 1956.
L´ironie du sort a voulu que Rodolfo Walsh fût lui aussi victime d´une mort atroce.
Cet écrivain et journaliste tenace et militant était né en 1927 à Choele Choel, un petit village de la province patagonique de Río Negro, issu d´une famille d´ascendance irlandaise. À l´âge de dix-sept ans, il a commencé à travailler dans une éditoriale à Buenos Aires, d´abord comme correcteur, puis comme traducteur de polars. Jusqu´à la parution du polar Variaciones en rojo(1953) , il a mené une vie plutôt discrète, publiant ici ou là de petits récits, contes ou reportages. Après le livre- enquête sur les événements du 9 juin 1956, il est devenu un journaliste respecté et un remarquable écrivain. Parmi ses principaux titres, on compte Diez cuentos policiales, Granada et Batalla(deux pièces de théâtre) Quién mató a Rosendo ?et Caso Satanovsky(deux enquêtes selon le modèle d´Operación Masacre)Los oficios terrestres(Les métiers terrestres,apparemment un des rares livres de l´auteur traduits en français, dont il existe une édition de 1990 chez Découverte) et Un kilo de oro. Ces deux derniers livres sont considérés par nombre d´observateurs comme deux des meilleurs recueils de contes de la littérature argentine. Mais Rodolfo Walsh concevait le journalisme comme un métier militant et son activisme politique est devenu très incisif dès la parution de Operación Masacre et surtout à partir des années soixante où il a fondé à La Havane l´Agencia de Prensa Latina. De retour en Argentine, il s´est engagé en des causes sociales et politiques. En 1970, il a fait une déclaration qui attestait sa lucidité et confirmait à ceux qui ne voulaient pas l´entendre de cette oreille que Rodolfo Walsh n´ignorait pas que si journalisme et littérature faisaient bon ménage, les différences entre les deux genres étaient notoires lorsqu´il s´agissait de choisir celui qui se prêtait le mieux au combat politique : « La dénonciation traduite dans l´art du roman devient inoffensive, c´est-à-dire se sacralise en tant qu´art, alors que le document, le témoignage, admet tout degré de perfection. Dans le travail d´investigation, s´ouvrent d´immenses possibilités artistiques.»
Poussé par le désir d´aider les laissés–pour-compte, Rodolfo Walsh s´est enrôlé en des combats aux méthodes fort discutables à la lumière de ce que nous concevons aujourd´hui comme instruments de contestation devant l´injustice et les inégalités sociales, mais qui à l´époque étaient dans l´esprit du temps et tolérés comme des mouvements légitimes de prise de pouvoir par une grande partie de l´intelligentsia de gauche sud-américaine. Au début des années soixante-dix (peut-être un peu avant), il a rejoint les Forces Armées Péronistes et puis a adhéré à l´organisation Montoneros(1) où il a fondé le quotidien Noticias. Plus tard, en 1976, après le coup d´État de Videla et ses pairs, il a créé l´Ancla(agence clandestine de nouvelles). En cette même année, le malheur s´est abattu sur sa vie: sa fille Vicky(2), guérillero elle aussi du mouvement Montoneros, mourait en un combat contre l´Armée en se tirant un coup de revolver sur la tête aux cris de «Vous ne nous tuez pas, nous avons choisi nous-mêmes la mort.» Plongés dans la consternation, Rodolfo Walsh et sa femme Lilia se sont retirés dans la petite ville de San Vicente où le journaliste militant a commencé à préparer, de sa plume acérée et percutante, une lettre ouverte- à envoyer à la presse- adressée à la junte militaire de Videla et ses sbires. Dans cette lettre qu´il a mise à la poste le 25 mars 1977, le jour du premier anniversaire du coup d´Etat, il dénonçait les crimes, les tortures et les camps de concentration de la dictature et interpellait les Militaires sur les disparus.
On a souvent affirmé que c´est cette lettre qui aurait provoqué sa mort –le jour même de l´envoi de la lettre- mais on sait aujourd´hui que quand les militaires ont tiré sur lui ils ignoraient encore qu´il avait écrit la lettre.
Plus de trente ans après sa mort, Rodolfo Walsh reste dans mémoire de ceux qui l´ont connu comme un homme anticonformiste et persévérant, ne reculant devant aucun écueil. Pour l´histoire du journalisme et de la littérature argentine, il est celui qui a honoré son métier et qui a fait de sa plume une arme contre l´injustice et la quête de la vérité.
D´aucuns- comme je l´ai insinué plus haut- considèrent Rodolfo Walsh comme le précurseur du journalisme d´investigation, devançant de huit ans, avec Operación Masacre le célèbre Cold Blood de Truman Capote. Mais Rodolfo Walsh n´en avait cure, il n´a jamais réclamé ce titre un tant soit peu honorifique. Indirectement, à travers le brillant Operación Masacre, et sans probablement s´en rendre compte, il aura accompli- comme certains observateurs l´ont d´ordinaire rappelé- un de ses rêves : écrire des polars pour les pauvres…
(1)Les Forces Armées Péronistes et Les Montoneros étaient des mouvements de guérilla. Le premier a été fondé en 1968 et s´est fragmenté vers le milieu des années soixante-dix en des groupuscules peu expressifs. Les Montoneros, mouvement atypique mélangeant, en quelque sorte, péronisme et castrisme, a vu le jour en 1970, est devenu clandestin en 1974 et aura disparu en 1979. L´enthousiasme de Walsh se serait estompé vers 1974 et il se serait un peu détourné de l´organisation. Certaines voix lui imputent à blâme d´être le mentor de quelques actions violentes perpétrées par les deux organisations, ce que l´on n´a jamais pu prouver.
(2) Vicky était le diminutif de Maria Victoria. L´autre fille de Rodolfo Walsh, Patricia, vit toujours et elle est une femme politique.
P.S- Pour écrire cet article j´ai consulté plusieurs sources dont je me permets de relever l´article de Leila Guerreiro, «Rodolfo Walsh, ó como no ser un hombre qualquiera.», paru dans l´édition du 1er novembre 2008 du quotidien espagnol El País, et, sur internet, les sites argentins www.rodolfowalsh.org et www.literatura.org. Sur ce dernier site, on pourra lire aussi la lettre ouverte adressée par l´auteur à la junte militaire.
On pourra trouver aussi des textes de et sur Rodolfo Walsh dans l´excellente revue Cultures et Conflits(http://conflits.org).