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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

vendredi 29 janvier 2016

Chronique de février 2016.



 
Philippe Jaccottet: le silence, la nature, la lumière.

Ils ne sont pas nombreux les écrivains- et parmi ceux-ci les poètes- à entrer vivants dans la prestigieuse collection «La Pléiade» des éditions Gallimard. Philippe Jaccottet en  fait partie dès mars 2014. Celui qui est, à mon avis, le plus grand poète vivant de langue française poursuit depuis des années-à l´âge de quatre-vingt-dix ans, il écrit maintenant très peu- son chemin de sagesse et de silence, loin des tumultes et des polémiques du milieu littéraire parisien. Quand je fais allusion au silence, c´est que chez certains écrivains et  à fortiori chez certains poètes, la littérature n´est pas la profusion des mots à tort et à travers, mais l´ébauche d´un chemin singulier où le bon usage des mots implique un langage épuré,  où dans chaque poème chaque mot a la place qu´il faut, où rien n´est déplacé. Malgré l´indiscutable beauté de sa poésie, est-ce que l´on connaît vraiment – à part une élite intellectuelle et universitaire et une poignée de fidèles lecteurs-l´œuvre de Philippe Jaccottet ?
 Né le 30 juin 1925 à Meudon, dans le canton de Vaud, en Suisse, Philippe Jaccottet s´installa avec sa famille à Lausanne en 1933. L´émerveillement pour l´écriture commença dans son enfance et, à l´âge de quinze ans, il offrit à ses parents un ensemble de poèmes intitulé Flammes Noires. L´année suivante, il connut le poète et photographe Gustave Roud et découvrit son œuvre. Ce fut-il le reconnut à maintes reprises- une rencontre décisive dans sa vie. Ils se lièrent d´amitié et entamèrent une correspondance riche d´enseignements et  d´échanges qui ne prit fin qu´à la mort de Roud en 1976. Celui-ci, né en 1897, donc plus âgé de presque une trentaine d´années, eut une influence déterminante dans les choix de lecture –et plus tard de traduction- de son jeune correspondant. C´est en quelque sorte Gustave Roud qui fit découvrir à Philippe Jaccottet dans son ampleur le romantisme allemand, surtout des auteurs fondamentaux tels Novalis et Hölderlin que Jaccottet traduirait un jour.
Les premières publications de ses écrits s´amorcèrent en concomitance avec ses études de Lettres à l´Université de Lausanne, surtout une pièce de théâtre Perceval et les premiers poèmes dans des revues littéraires. Il termina ses études en 1946 mais ne voulant pas se consacrer à l´enseignement, il décida de partir à Paris où il commença de travailler pour les éditions Mermod, dirigées par Henry-Louis Mermod qu´il avait connu à Lausanne en 1944. Pour cette maison d´édition, il fit essentiellement des  traductions (dont  La mort  à Venise de Thomas Mann), mais ce travail lui permit de côtoyer nombre d´écrivains et de se lier d´amitié avec entre autres Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Jacques Dupin, Pierre Leyris, André Dhôtel ou Henri Thomas. Philippe Jaccottet écrivit aussi des articles pour la presse, notamment pour La Nouvelle Revue de Lausanne.
Le grand tournant de sa vie fut néanmoins la publication en 1953 par Gallimard d´Effraie, son premier recueil de poésie, qu´il considère comme le vrai début de son œuvre. Dans cette même année, récemment marié, il décida avec sa femme Anne-Marie Haesler, artiste peintre de s´installer à Grignan, dans la Drôme, un lieu paisible où  il put s´imprégner des odeurs qui remplissent son œuvre. C´est que la poésie de Jaccottet puise son inspiration dans la nature : les fleurs, les arbres, les plantes, les oiseaux, les rivières. Dans un poème de Leçons (1977) du livre À la lumière d´hiver, il écrit :
«Plutôt, le congé dit, n´ai-je plus qu´un seul désir:/m´adosser à ce mur/ pour ne plus regarder à l´opposé que le jour,/ pour mieux aider les eaux qui prennent source en ces montagnes/ à creuser le berceau des herbes,/ à porter sous les branches basses des figuiers,/ à travers la nuit d´août,/ les barques pleines de brûlants soupirs».
Cependant, si la nature est au cœur de son œuvre, elle ne l´est pas pour autant d´une façon exclusivement contemplative. Jaccottet s´interroge aussi sur la solitude ou sur le temps et le silence, comme, par exemple, dans le texte «Prose au serpent» du livre Paysages avec figures absentes(1970) :
«Le silence pèse. Vais-je imaginer qu´une femme le dérange, qui approche entourée de ses cheveux, vais-je apprendre ce que sont des yeux qui ignorent le temps, et comment on marche quand on n´a ni regrets, ni désirs ?...».
Un autre sujet incontournable de l´œuvre poétique de Jaccottet est la lumière. Jean Starobinski dans la préface d´un des livres de son compatriote écrit que Jaccottet« a un amour professé de la lumière qu´il aime assez pour vouloir qu´elle circule dans les mots qu´il trace et pour veiller à n´écrire aucune ligne qui ne soit pour le lecteur un chemin de clarté».  
S´il est souvent question de lumière dans la poésie, la nuit n´y est pas absente non plus, mais, comme nous le rappelle Jean-Michel Maulpoix, à propos du recueil L´Ignorant, qui rassemble des poèmes écrits entre 1952 et 1956 et publiés en 1957, «la nuit retournée n´est plus le lieu, le temps menaçant où monte l´angoisse, mais révélation de l´inconnu qui nous entoure».  Dans la première partie du poème «Au petit jour», il écrit :
«La nuit n´est pas ce que l´on croit, revers du feu,/chute du jour et négation de la lumière,/mais subterfuge fait pour nous ouvrir les yeux/sur ce qui reste irrrévélé tant qu´on l´éclaire.»
Et dans la deuxième strophe, il poursuit :
«Les zélés serviteurs du visible éloignés,/sous le feuillage des ténèbres est établie/la demeure de la violette, le dernier/refuge de celui qui vieillit sans patrie…»
Toute l´œuvre poétique (ou de réflexions sur la poésie) de Philippe Jaccottet est disponible chez Gallimard, dont la plupart des titres dans la collection de poche Poésie tels Poésie 1946-1967, À la lumière d´hiver, Paysages avec figures absentes, Cahier de verdure. Depuis 2014, comme je l´ai déjà mentionné plus haut, ses Œuvres sont disponibles dans «La Pléiade» Néanmoins, Jaccottet n´est pas seulement un poète immense, il est aussi un brillant critique et essayiste (L´entretien des muses, chroniques de poésie, Semaisons, carnets en trois tomes, où il raconte aussi ses voyages et des moments de sa vie. À tous ces titres, il faut ajouter le récit L´Obscurité.
Dans Semaisons, le langage est d´une clairvoyance, mais aussi d´une luminosité telle que ces écrits  atteignent  souvent la qualité de sa poésie. On en reproduit quelques exemples presque au hasard :
«L´ombre surgie de n´importe où, qui déchire et qui corrompt. Choses arrachées au monde, blessures du monde. Un char lentement sur la route, emportant des choses mortes, un fragment du temps-qui reste, en lambeaux, dans la mémoire, doux et cruel, jusqu´à ce que mémoire aussi soit emportée, commémoration oubliée» (janvier 1964).
«Insomnie : effroi à la pensée de certaines vies que j´ai vu se dérouler tout près de moi depuis mon enfance, qui me parurent d´abord presque héroïques, brillantes en tout cas, et qui s´achèvent dans la détresse sans recours de la maladie. Hommes qui furent si sûrs d´eux, si pleins de vanité pour de vagues honneurs, et qui s´effondrent, piteux. Sur quoi, levé très tôt, je reçois l´eau du jour, et tout ce sombre est lavé» (avril 1966).
«Comment supporter de vous perdre, couleurs ? Et tout ce qu´enfante le soleil ? Me rangerai-je au culte des quatre éléments ? Tous nourrissent et purifient. Où s´insinue la corruption ? Qui fut le serpent ? Le tigre est pur ; il est du feu qui bondit. Ici,  nous sommes tout près des éléments ; c´est pourquoi nous aimons ce lieu» (juillet 1967).
Philippe Jaccottet fut également, on l´a vu, un remarquable traducteur, tant de classiques anciens que d´auteurs contemporains. Il traduisit notamment en français les œuvres  d´Homère, Luis de Góngora, Frederich Hölderlin, Rainer-Maria Rilke, Robert Musil (dont le magistral L´homme sans qualités, autour de deux mille pages) et Giuseppe Ungaretti qu´il connut dans un voyage en Italie en 1946 et avec qui il entretint une correspondance pendant de longues années.
Couronnée de nombreux prix-le Montaigne(1972), le Grand Prix National de Traduction,  le Pétrarque (1988), celui de la Fondation Vaudoise pour la Culture (1991), le National de Poésie(1995) ou le Goncourt de la Poésie (2003), entre autres- l´œuvre de Philippe Jaccottet (qui aura bientôt quatre-vingt-onze ans) est sans conteste une des plus lumineuses de la littérature contemporaine de langue française.
        


jeudi 28 janvier 2016

Centenaire de la naissance de Louis-René Des Forêts.

Quoiqu´on eût souvent parlé de 1918 comme l´année de sa naissance, aujourd´hui tous s´accordent à dire que Louis-René Des Forêts est bel et bien né le 28 janvier 1916. 
Je reproduis ici en guise d´hommage à l´auteur un article que j´ai écrit en 2006 pour le site de la Nouvelle Librairie Française de Lisbonne:


 
 
Louis -René Des Forêts, une littérature exigeante.

  
De Louis-René des Forêts on pourrait dire qu´il était un auteur de la poétique du silence. Une écriture exigeante et rare et une oeuvre qui se résume à sept ou huit titres ont fait la réputation de cet écrivain réservé, né en 1916 à Paris, et dont on a très peu de repères biographiques (ce qui n´est nullement grave, l´oeuvre d´un auteur étant plus importante que sa biographie). On sait, néanmoins, qu´il a été mis en pension, à l´âge de neuf ans, dans un collège religieux en Bretagne, qu´il a étudié le droit et les sciences politiques et qu´il a participé à la Résistance. La première fois qu´il s´est un peu dévoilé à la radio, ce fut dans un entretien accordé à Alain Veinstein pour France-Culture en 1983 dans le cadre de l´émission Les Nuits Magnétiques. Dans cet entretien, Louis-René des Forêts évoquait un peu son passé, en parlant notamment de son envie de devenir marin à l´âge de treize ans (ce qui a, quand même, laissé une empreinte dans son oeuvre où la mer joue un rôle primordial), de sa passion pour la musique (dont les échos peuplent ses écrits) et de ses rencontres décisives avec Raymond Queneau et James Joyce. La façon dont il a connu l´écrivain irlandais est d´ailleurs un peu bizarre. Dans sa jeunesse, Louis-René des Forêts fréquentait une librairie Rue de l´Odéon tenue par Adrienne Monnier. Un jour, il s´y est déplacé pour acheter un roman dont il avait lu une critique dans la Nouvelle Revue Française : il s´agissait de Ulysse de Joyce. Ce jour-là, dans la librairie, un monsieur courtois, qu´il ne connaissait pas, l´a servi en allant chercher le livre demandé, l´enveloppant soigneusement dans du papier cristal. Le livre, dans une première lecture, l´a un peu décontenancé, mais le plus intéressant dans l´histoire c´est que deux semaines plus tard, en revenant dans la librairie, Adrienne Monnier lui a révélé à sa grande surprise, que c´était Joyce lui-même (qui vivait à Paris en ce temps-là) qui lui avait vendu Ulysse !

Le premier livre de Louis-René des Forêts, Les Mendiants, un roman, est paru en 1943 et le souci de perfection de cet auteur l´a poussé à remanier le texte jusqu à la version définitive, publiée bien des années plus tard. Le même procédé a été plus ou moins suivi pour La chambre des enfants, prix des Critiques en 1960, un recueil dont on a supprimé de la version originale, à la demande de l´auteur, le récit Un malade en forêt qui, de l´aveu même de Louis-René des Forêts, nuisait à l´harmonie de l´ensemble. Le Bavard, deuxième livre de l´auteur, publié pour la première fois en 1946 a connu, lui aussi une nouvelle édition remaniée en 1963. Enfin, pour Ostinato, paru en 1997, Louis-René des Forêts en avait fait publier auparavant des extraits dans des revues littéraires. Ce dernier livre se présente comme une oeuvre fragmentaire tissée d´une écriture fine, poétique, soudain violente, tantôt obscure, tantôt lumineuse («Enfants gais comme l´air que le tourment du péché condamne à devenir sournois et secrets sous le regard d´un dieu sans gaieté qui les met au pas et leur interdit de rire. La lumière se fait plus grise, plus dur le devoir et l´oisiveté pesante : le jeu même perd entre ces grands murs son goût sauvage», édition Mercure de France). Cet auteur silencieux a également écrit d´autres petits textes dont l´éclatant et long poème Les mégères de la mer (1967), un des plus beaux écrits en français dans la deuxième moitié du vingtième siècle («Lorsque aujourd´hui j´évoque ces yeux à l´ombre de ta présence,/ Je me demande quel maléfice cachait leur douceur obscure/ Et lequel dans les tiens où me chante une voix familière,/ s´ils ont débridé en moi la plaie d´une ancienne blessure/ Serait-ce sous leur doux semblant ce même éclat brutal/ Ce même grain de sel fort dans la gousse des paupières/ Et que nimbent les mêmes eaux d´une transparence végétale ?).

Son dernier livre, au titre prémonitoire de Pas à pas jusqu´au dernier, écrit un peu à l´image de Ostinato, dont les dix premières pages avaient déjà été publiées par Les cahiers de la bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Louis-René des Forêts a achevé de l´écrire peu avant sa mort, survenue en décembre 2000 et il est paru en septembre 2001 chez Le Mercure de France, un des trois éditeurs auquel il est resté fidèle toute sa vie (les deux autres étant Gallimard et Fata Morgana). Un des meilleurs hommages que l´on ait rendus à Louis-René des Forêts, on le doit à Pascal Quignard dont le petit essai Le voeu de silence vient de reparaître chez Galilée, mais le plus grand de tous les hommages que l´on puisse rendre à cet écrivain original, c´est de lire son oeuvre...


mardi 26 janvier 2016

Centenaire de la naissance de Vergílio Ferreira.


Ce jeudi 28 janvier, on signale le centenaire de la naissance de Vergílio Ferreira, un des plus grands écrivains portugais du vingtième siècle.
. Professeur de lycée, Vergílio Ferreira fut  en pays littéraire romancier, conteur, essayiste et diariste. Son oeuvre, entre le néoréalisme et l´existentialisme, est traversée par l´interrogation sur la condition humaine.
Son oeuvre fut couronnée de nombreux  prix littéraires dont le Prix de l´Association Portugaise des Écrivains(à deux reprises) et le Prix Camões en 1992. En 1990, il a décroché en France le prix Femina Étranger pour son roman Matin Perdu(Manhã Submersa en portugais) publié aux Éditions de la Différence. Outre Matin Perdu, sont également  traduits en français des livres tels Lettres à Sandra, Au nom de la terre, Apparition, Pour toujours,  Jusqu´à la fin ou Ton visage chez La Différence, Gallimard ou Metailié.  
Né à Melo, Gouveia, il est mort à Lisbonne le 1er mars 1996.    

vendredi 22 janvier 2016

Edmonde Charles- Roux n´est plus.


Femme de lettres, journaliste, résistante pendant la seconde guerre mondiale, épouse de l´homme  politique Gaston Defferre, de 1973 à la mort de celui-ci en 1986, Edmonde Charles- Roux était une figure incontournable du vingtième siècle français. Bourgeoise ayant épousé des causes de gauche, elle est née le 17 avril 1920 à Neuilly- sur-Seine et est décédée ce mercredi 20 janvier, à Marseille, à l´âge de 95 ans. Connu en pays littéraire pour son premier roman Oublier Palerme qui a décroché le prix Goncourt en 1966, elle a une oeuvre singulière composée essentiellement de romans et de biographies.
Membre de l´Académie Goncourt dont elle fut la présidente de  2002 à 2014, Edmonde Charles- Roux a reçu de nombreuses décorations dont celle de Commandeur de la Légion d´Honneur en 2010. Elle a également été présidente de l´Association pour le soutien de la Maison Elsa Triolet-Aragon, sise au moulin de Villeneuve à Saint Arnoult en Yvelines. 
C´était une femme respectable et respectée dans le monde des lettres françaises.

lundi 18 janvier 2016

La mort de Michel Tournier.


La nouvelle vient d´être annoncée: la littérature française est en deuil, un de ses noms majeurs, Michel Tournier, s´est éteint aujourd´hui  à l´âge de 91 ans, à Choisel, dans l´ancien presbytère où il habitait depuis 1957.  
Né le 19 décembre 1924 à Paris, Michel Tournier fut romancier, conteur et essayiste. Son oeuvre est l´une des plus importantes de la littérature française du dernier demi-siècle, une oeuvre qui a le sens du drame et du sacré, sans se départir néanmoins d´une ironie subversive.  Germaniste de formation, son titre le plus connu est peut-être le roman Le roi des aulnes, prix Goncourt 1970, où il décrit la Prusse-Orientale, ses marais, ses forêts, et certains aspects du nazisme, en  y associant quelques mythes. Autres titres de l´auteur: Vendredi ou la vie sauvage, Vendredi ou les limbes du pacifique,Les méteores, Gaspard, Melchior et Balthazar,La goutte d´or, Le miroir des idées, Le médianoche amoureux, Le coq de bruyère ou Le Vent Paraclet. En 1993, on lui a décerné la médaille Goethe et fin 2015 a été publié le décret qui le rendait Commandeur de la Légion d´Honneur.
Sa mort  laisse dans la littérature française un vide difficile à combler. 

mardi 12 janvier 2016

Article pour Le Petit Journal



Je vous laisse ici le lien pour l´article sur le livre Un papa de sang  de Jean Hatzfeld  que j´ai écrit pour l´édition Lisbonne du Petit Journal:



 http://www.lepetitjournal.com/lisbonne/a-voir-a-faire/culture/234872-litterature-un-papa-de-sang-de-jean-hatzfeld

Bonne lecture.