Quoiqu´on eût souvent parlé de 1918 comme l´année de sa naissance, aujourd´hui tous s´accordent à dire que Louis-René Des Forêts est bel et bien né le 28 janvier 1916.
Je reproduis ici en guise d´hommage à l´auteur un article que j´ai écrit en 2006 pour le site de la Nouvelle Librairie Française de Lisbonne:
Louis -René Des Forêts, une littérature exigeante.
De Louis-René des Forêts on
pourrait dire qu´il était un auteur de la poétique du silence. Une écriture
exigeante et rare et une oeuvre qui se résume à sept ou huit titres ont fait la
réputation de cet écrivain réservé, né en 1916 à Paris, et dont on a très peu
de repères biographiques (ce qui n´est nullement grave, l´oeuvre d´un auteur
étant plus importante que sa biographie). On sait, néanmoins, qu´il a été mis
en pension, à l´âge de neuf ans, dans un collège religieux en Bretagne, qu´il a
étudié le droit et les sciences politiques et qu´il a participé à la
Résistance. La première fois qu´il s´est un peu dévoilé à la radio, ce fut dans
un entretien accordé à Alain Veinstein pour France-Culture en 1983 dans le
cadre de l´émission Les Nuits Magnétiques. Dans cet entretien, Louis-René des
Forêts évoquait un peu son passé, en parlant notamment de son envie de devenir
marin à l´âge de treize ans (ce qui a, quand même, laissé une empreinte dans
son oeuvre où la mer joue un rôle primordial), de sa passion pour la musique
(dont les échos peuplent ses écrits) et de ses rencontres décisives avec Raymond
Queneau et James Joyce. La façon dont il a connu l´écrivain irlandais est
d´ailleurs un peu bizarre. Dans sa jeunesse, Louis-René des Forêts fréquentait
une librairie Rue de l´Odéon tenue par Adrienne Monnier. Un jour, il s´y est
déplacé pour acheter un roman dont il avait lu une critique dans la Nouvelle
Revue Française : il s´agissait de Ulysse de Joyce. Ce jour-là,
dans la librairie, un monsieur courtois, qu´il ne connaissait pas, l´a servi en
allant chercher le livre demandé, l´enveloppant soigneusement dans du papier
cristal. Le livre, dans une première lecture, l´a un peu décontenancé, mais le
plus intéressant dans l´histoire c´est que deux semaines plus tard, en revenant
dans la librairie, Adrienne Monnier lui a révélé à sa grande surprise, que c´était
Joyce lui-même (qui vivait à Paris en ce temps-là) qui lui avait vendu
Ulysse !
Le premier livre de Louis-René des Forêts, Les Mendiants, un roman, est paru en 1943 et le souci de perfection de cet auteur l´a poussé à remanier le texte jusqu à la version définitive, publiée bien des années plus tard. Le même procédé a été plus ou moins suivi pour La chambre des enfants, prix des Critiques en 1960, un recueil dont on a supprimé de la version originale, à la demande de l´auteur, le récit Un malade en forêt qui, de l´aveu même de Louis-René des Forêts, nuisait à l´harmonie de l´ensemble. Le Bavard, deuxième livre de l´auteur, publié pour la première fois en 1946 a connu, lui aussi une nouvelle édition remaniée en 1963. Enfin, pour Ostinato, paru en 1997, Louis-René des Forêts en avait fait publier auparavant des extraits dans des revues littéraires. Ce dernier livre se présente comme une oeuvre fragmentaire tissée d´une écriture fine, poétique, soudain violente, tantôt obscure, tantôt lumineuse («Enfants gais comme l´air que le tourment du péché condamne à devenir sournois et secrets sous le regard d´un dieu sans gaieté qui les met au pas et leur interdit de rire. La lumière se fait plus grise, plus dur le devoir et l´oisiveté pesante : le jeu même perd entre ces grands murs son goût sauvage», édition Mercure de France). Cet auteur silencieux a également écrit d´autres petits textes dont l´éclatant et long poème Les mégères de la mer (1967), un des plus beaux écrits en français dans la deuxième moitié du vingtième siècle («Lorsque aujourd´hui j´évoque ces yeux à l´ombre de ta présence,/ Je me demande quel maléfice cachait leur douceur obscure/ Et lequel dans les tiens où me chante une voix familière,/ s´ils ont débridé en moi la plaie d´une ancienne blessure/ Serait-ce sous leur doux semblant ce même éclat brutal/ Ce même grain de sel fort dans la gousse des paupières/ Et que nimbent les mêmes eaux d´une transparence végétale ?).
Son dernier livre, au titre prémonitoire de Pas à pas jusqu´au dernier, écrit un peu à l´image de Ostinato, dont les dix premières pages avaient déjà été publiées par Les cahiers de la bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Louis-René des Forêts a achevé de l´écrire peu avant sa mort, survenue en décembre 2000 et il est paru en septembre 2001 chez Le Mercure de France, un des trois éditeurs auquel il est resté fidèle toute sa vie (les deux autres étant Gallimard et Fata Morgana). Un des meilleurs hommages que l´on ait rendus à Louis-René des Forêts, on le doit à Pascal Quignard dont le petit essai Le voeu de silence vient de reparaître chez Galilée, mais le plus grand de tous les hommages que l´on puisse rendre à cet écrivain original, c´est de lire son oeuvre...
Le premier livre de Louis-René des Forêts, Les Mendiants, un roman, est paru en 1943 et le souci de perfection de cet auteur l´a poussé à remanier le texte jusqu à la version définitive, publiée bien des années plus tard. Le même procédé a été plus ou moins suivi pour La chambre des enfants, prix des Critiques en 1960, un recueil dont on a supprimé de la version originale, à la demande de l´auteur, le récit Un malade en forêt qui, de l´aveu même de Louis-René des Forêts, nuisait à l´harmonie de l´ensemble. Le Bavard, deuxième livre de l´auteur, publié pour la première fois en 1946 a connu, lui aussi une nouvelle édition remaniée en 1963. Enfin, pour Ostinato, paru en 1997, Louis-René des Forêts en avait fait publier auparavant des extraits dans des revues littéraires. Ce dernier livre se présente comme une oeuvre fragmentaire tissée d´une écriture fine, poétique, soudain violente, tantôt obscure, tantôt lumineuse («Enfants gais comme l´air que le tourment du péché condamne à devenir sournois et secrets sous le regard d´un dieu sans gaieté qui les met au pas et leur interdit de rire. La lumière se fait plus grise, plus dur le devoir et l´oisiveté pesante : le jeu même perd entre ces grands murs son goût sauvage», édition Mercure de France). Cet auteur silencieux a également écrit d´autres petits textes dont l´éclatant et long poème Les mégères de la mer (1967), un des plus beaux écrits en français dans la deuxième moitié du vingtième siècle («Lorsque aujourd´hui j´évoque ces yeux à l´ombre de ta présence,/ Je me demande quel maléfice cachait leur douceur obscure/ Et lequel dans les tiens où me chante une voix familière,/ s´ils ont débridé en moi la plaie d´une ancienne blessure/ Serait-ce sous leur doux semblant ce même éclat brutal/ Ce même grain de sel fort dans la gousse des paupières/ Et que nimbent les mêmes eaux d´une transparence végétale ?).
Son dernier livre, au titre prémonitoire de Pas à pas jusqu´au dernier, écrit un peu à l´image de Ostinato, dont les dix premières pages avaient déjà été publiées par Les cahiers de la bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Louis-René des Forêts a achevé de l´écrire peu avant sa mort, survenue en décembre 2000 et il est paru en septembre 2001 chez Le Mercure de France, un des trois éditeurs auquel il est resté fidèle toute sa vie (les deux autres étant Gallimard et Fata Morgana). Un des meilleurs hommages que l´on ait rendus à Louis-René des Forêts, on le doit à Pascal Quignard dont le petit essai Le voeu de silence vient de reparaître chez Galilée, mais le plus grand de tous les hommages que l´on puisse rendre à cet écrivain original, c´est de lire son oeuvre...
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