Qui êtes-vous ?

Ma photo
Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

samedi 29 mai 2021

Chronique de juin 2021.

 


L´univers magique de Felisberto Hernández.

  Le sentiment qui caractérise ceux qui découvrent l´œuvre de l´écrivain uruguayen Felisberto Hernández est sans l´ombre d´un doute l´éblouissement. Pour Elvio G.Gandolfo qui a écrit le prologue de l´édition des contes de cet écrivain singulier, publiée en 2009 par l´excellente maison d´édition argentine Eterna Cadencia, on pourrait comparer cet éblouissement à celui que l´on ressent en tombant sur les œuvres de Proust, de Borges, de Gombrowicz ou d´Onetti, un autre Uruguayen. Créateur d´un univers magique à nul autre pareil qui a fasciné des écrivains comme Supervielle, Calvino, Cortázar ou Bergamín (qui lui a rendu visite à l'hôpital de Montevideo quelque temps avant qu'il ne s'éteigne le 13 janvier 1964 d'une leucémie), Felisberto Hernández est souvent considéré comme un des trois fondateurs –avec les Argentins Jorge Luis Borges et Macedonio Fernández –de la modernité littéraire rioplatéenne.

Né le 20 octobre 1902 dans le quartier d´Atahualpa à Montevideo, Felisberto Hernández, outre la littérature, a également excellé dans le domaine de la musique. Il fut pianiste, chef d´orchestre, concertiste et compositeur. Malheureusement, ses compositions se sont égarées et il n´y en a plus trace aujourd´hui ou du moins ne sont-elles pas enregistrées en son nom. En partie, parce que l´auteur lui-même était plutôt modeste, voire négligeant, vis-à-vis de ses propres compositions. Néanmoins, son intérêt pour la musique a commencé assez tôt. À l´âge de neuf ans, il a débuté le piano et plus tard il a peaufiné son talent auprès d´un professeur et organiste français qui répondait au nom de Clemente Colling, figure centrale de sa vie et de son œuvre future. Compositeur aveugle, concertiste hors pair et ami de Saint -Saëns, Clemente Colling a échoué un jour à Buenos Aires après que son imprésario l´eut laissé tomber en pleine tournée. Il a décidé de ne jamais rentrer en France, se fixant en Amérique Latine. Clemente Colling a initié son jeune élève aux subtilités de la musique, mais peut-être aussi à la précarité de l´existence. Dans un article publié dans le quotidien parisien Libération en 1997, lors de la parution des Œuvres Complètes de Felisberto Hernández en français, chez le Seuil, Jean-Didier Wagneur nous rappelait que Clemente Colling était toujours sale, habitait dans des logements de fortune et couchait tout habillé dans son costume de scène parmi la vermine. Felisberto a lui aussi, le plus souvent, broyé du noir. Á 15 ans, pour gagner sa vie, il a accompagné les films muets dans des cinématographes de Montevideo, puis il est devenu pianiste dans des cafés  –concerts bruyants, enfumés et miteux. Ressemblant vaguement à Charlot, il a sauté d´un meublé à un autre, comme le rappelait d´ordinaire son ami et traducteur Gabriel Saad, en multipliant les mariages (quatre !), les échecs et les déboires, et si sa musique n´est pas passée à la postérité, ses œuvres littéraires ont failli subir le même sort. Heureusement, la main miraculeuse de Jules Supervielle, un des trois poètes français- avec Lautréamont et Laforgue-  nés à Montevideo a peut- être sauvé de l´oubli les écrits de Felisberto Hernández. Supervielle est devenu en quelque sorte son mentor et lui a organisé un long séjour à Paris dans les années quarante. Comme Supervielle, Cortázar –qui a contribué avec la traductrice Laure Guille Bataillon à le faire paraître en France, aux éditions Maurice Nadeau -  et Calvino- qui l´a publié en Italie, chez Einaudi -ont été eux aussi, on l´a vu plus haut, des enthousiastes de son œuvre.

Felisberto Hernández est peut-être inclassable. Elvio G.Gandolfo le rapproche, par l´humour, de Kafka. D´autres dénichent dans ses écrits une atmosphère proustienne. On pourrait établir aussi, à mon avis, d´étranges affinités, par la transfiguration du réel, avec des auteurs comme le Polonais Bruno Schulz, le Roumain Max Blecher voire le poète portugais du dix-neuvième siècle Cesário Verde. Poète, Felisberto l´était tout autant, à sa guise, puisque, d´après Hector Bianciotti, sa prose possède l´intensité et la solitude propres à la poésie. Pour le romancier franco-argentin, décédé en 2012, Felisberto voit toujours quelque chose au-delà, s´en empare, et dépose sur la page une métaphore vierge comme le premier sourire d´un nourrisson. Le lecteur croit apercevoir la couleur de l´orgueil, le profil de la tendresse, l´énergie musicale du papillon, et, enfin, capter ce que tentent obscurément d´exprimer les larmes, les caresses, les soupirs, les cris, les silences. Toujours selon Bianciotti, tout ce que l´œuvre raconte n´est raconté que dans une sorte de résonance de similitudes que cristallise la métaphore – cet état fluide de la pensée qui, en se démultipliant, propose une autre version de la réalité, issue de la lutte entre la sensation et le langage : la vision de l´envers de l´univers.   

On cite souvent aussi, en fait d´affinités, Raymond Roussel, mais Julio Cortázar dans la préface de La maison inondée et d´autres contes rapproche Felisberto Hernández de l´écrivain cubain José Lezama Lima, romancier et essayiste, mais également poète : «Je cours le risque de provoquer le sourire de maints critiques littéraires car je pense que l´œuvre de l´Uruguayen Felisberto Hernández ne peut être comparée qu´à celle d´un autre créateur placé à l´extrémité opposée du monde latino-américain qu´il connut : José Lezama Lima (…)Comme le poète et narrateur cubain, Felisberto appartient à cette souche spirituelle que j´ai qualifiée un jour de présocratique et pour laquelle les orientations mentales n´interviennent que comme articulation et fixation d´un autre type de contact avec la réalité (…)Lezama et Felisberto se connectent avec les choses (car d´une certaine manière tout est chose pour eux, les mots ou les meubles ou les passions ou les pensées, sont à la fois tangibles et ineffables, rêve et veille) depuis une intuition qui ne peut être installée dans le langage que grâce à l´image poétique, de la rencontre non fortuite de la machine à coudre et du parapluie sur la table de dissection (…)»

Felisberto Hernández, quant à lui, ne s´est jamais fait de souci là-dessus. Un jour, interrogé sur sa généalogie littéraire, il a affirmé : «Ce qui est le plus sûr, c´est que je ne sais pas comment je fais mes contes, car chacun d´entre eux a sa propre et étrange vie. Mais je sais aussi qu´ils vivent en lutte avec la conscience pour éviter les étrangers qu´elle leur recommande».

Nadia encendia las lámparas (Personne n´allumait les lampes), Por los tiempos de Clemente Colling (Du temps de Clemente Colling), Las Hortensias (Les Hortenses), El caballo perdido (Le cheval perdu), La casa inundada (La maison inondée) ou Le Crocodile (El Cocodrilo) comptent parmi ses textes les plus importants. Si son expérience de musicien nourrit ses écrits, ceux-ci sont également irrigués par les associations, la mémoire, le «moi», le déplacement des objets sans vie, la vie quotidienne, les souvenirs d´enfance, l´observation des gens ordinaires, l´environnement urbain. En lisant Felisberto Hernández, on a l´impression qu´il a voulu garder à tout prix l´innocence qui caractérise l´enfance. Un jour, il a écrit sur deux compagnons de ce temps tant prisé de l´enfance : «On dirait presque que dès l´enfance on pourrait deviner qu´ils allaient devenir des adultes. Par contre, on dirait que moi, je resterais enfant toute la vie».

André Clavel écrivait en 1997 dans L´Express : «Tout l´art de Felisberto Hernández est dans la métamorphose. Dans cette subtile somnolence qui s´empare de ses personnages et les conduit, les paupières closes, au pays des rêves. «À quoi sert la littérature » ? «À imposer la fiction à la réalité», répondait Borges. Ces mots définissent parfaitement l´univers du prestidigitateur de Montevideo, qui, de son chapeau, tirait les lapins blancs du merveilleux. Ils divaguent encore à travers la pampa, sur un air de tango. Entrez dans la danse, c´est un bonheur».

La somnolence des personnages a également été retenue par Jean –Didier Wagneur dans l´article cité plus haut. En mettant en exergue quelques caractéristiques de l´œuvre de Felisberto Hernández que l´on a déjà mentionnées dans cette chronique, il écrivait : «Felisberto vécut dans la lune. Son œuvre garde le caractère magique de l´univers d´un somnambule. Tout est énigmatique car c´est le réel, son réel qu´il cherche à décrire, en essayant de dérégler les sens et de suivre les associations de sa mémoire (…) Chez lui, tout se déroule de plain-pied. Simplement, pour rejoindre son point de vue sur le monde, il faut désapprendre, se faire quasiment enfant. Être comme le réel, un peu idiot».

Faute de pouvoir jouir de ses compositions musicales, on peut se délecter des magnifiques proses de Felisberto Hernández, qui ont, elles aussi, une musique de fond qui nous envoûte, comme nous l´a rappelé un jour Hector Bianciotti : «Il faut le lire comme on écoute de la musique : est-ce du Mozart ou du Haydn ? Du Schubert ou du Schumann ? Felisberto s´en souvient et, au moyen des mots, les retrouve. Il a le génie de l´improvisation, de l´instant, de ce qui s´écoule et que l´on perd. Il faut le relire, le «réentendre»­- car l´œil écoute : c´est bel et bien «sa» musique à lui». 

    

 

jeudi 20 mai 2021

La mort de Francisco Brines.

 

Le poète espagnol Francisco Brines, né le à Oliva, près de Valencia(Valence en français), est mort ce membre de l’Académie Royale Espagnole et l´année dernière il avait été couronné du Prix Cervantes.

dimanche 9 mai 2021

La mort de Caballero Bonald.

 Poète, romancier et essayiste, José Manuel Caballero Bonald- fils d´un père cubain(Placido Caballero) et d´une mère d´ascendance aristocratique française(Julie Bonald, de la famille du vicomte Louis de Bonald)-est mort aujourd´hui à Madrid, à l´âge de 94 ans. 

Ná à Jerez de la Frontera le 11 novembre 1926, il a été militant anti-franquiste et il a appartenu au groupe poétique de la Génération de 50, aux côtés de José Ángel Valente, José Agustín Goytisolo et Jaime Gil de Biedma, entre autres. Sa façon d'utiliser le langage et le lexique très soigneusement, ainsi que le style baroque, caractérisent son œuvre. Caballero Bonald était un écrivain d'une très grande qualité littéraire et il était considéré comme un modèle de ce que fut l'évolution littéraire d'après-guerre. Ses incursions dans la poésie, le roman, le théâtre et l'essai comptent plus de quarante titres.

Son œuvre a été couronnée par le Prix National des Lettres Espagnoles  en 2005 et par le Prix Cervantes en 2012.

jeudi 6 mai 2021

Article pour Le Petit Journal Lisbonne.

 Vous pouvez lire sur l´édition du Petit Journal Lisbonne ma chronique sur le roman La scandaleuse de Michel Peyramaure, publié aux éditions Calmann-Lévy:


https://lepetitjournal.com/lisbonne/a-voir-a-faire/la-scandaleuse-dernier-livre-de-michel-peyramaure-304492