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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

samedi 2 janvier 2010

«Mon» Camus



Ce 4 janvier, on signale le cinquantième anniversaire de la mort prématurée (à l´âge de 46 ans), dans un stupide accident de voiture, d´un des écrivains français les plus importants du vingtième siècle. Prix Nobel en 1957, à l´âge de 44 ans, Albert Camus, est né en Algérie en 1913, fils d´un «poilu», mort à la Grande Guerre en 1914, dont il n´avait donc aucune mémoire, et d´une femme de ménage analphabète. C´est grâce aux bons offices de son professeur Louis Germain auprès de sa mère que Camus a pu poursuivre ses études et devenir un écrivain hors pair, un philosophe de l´existentialisme et un des analystes les plus lucides de la vie culturelle et politique française des années quarante et cinquante du siècle précédent.
Un de ces jours, j´ai retrouvé parmi de vieux papiers gardés dans un tiroir, un texte que j´ai écrit quand j´avais dix-huit ans, à la demande de mon professeur de Français de Terminale, au lycée Passos Manuel à Lisbonne. Il s´agit d´un commentaire sur un extrait du roman L´Étranger de Camus. J´ai longtemps hésité avant de me décider finalement à reproduire ici ce texte. J´ai même pris conseil auprès de quelques amis. Je craignais que l´on ne me prît pour quelqu´un de prétentieux. Néanmoins, la mise en ligne du texte présente à mon avis plus d´avantages que d´inconvénients, dès lors celui de voir comment un jeune portugais, épris de culture française, pouvait lire Camus à l´âge de dix-huit ans, avec toutes les imperfections propres de sa pensée à l´époque. La mise en ligne de ce texte me permet aussi de rendre hommage non seulement à Albert Camus mais aussi au professeur qui m´a demandé d´écrire ce texte, M. Vitor Oliveira que malheureusement j´ai perdu de vue, et aux deux professeurs qui l´ont précédé, Madame Maria Manuela Gamboa que j´ai eu le plaisir de retrouver tout récemment et Madame Zélia Sampaio Santos qui est aujourd´hui ma collègue- heureuse ironie du sort !- à l´École Secondaire José Gomes Ferreira, à Lisbonne.
Voici donc mon texte, avec les corrections qui s´imposent (deux petites fautes d´orthographe que j´avais commises). Pour la petite histoire, j´ai eu comme note 18/20 :

«Dans ce texte de L´Étranger, l´action se déroule en un espace limité, plus précisément dans la rue où habite Meursault le personnage principal de l´œuvre et la fenêtre à travers laquelle il peut observer le déroulement d´un dimanche, la fenêtre étant celle de sa chambre.
Le décor de la rue, selon lui, nous montre au premier abord qu´il s´agit d´un dimanche pareil à tant d´autres. Les trams bondés qui d´un moment à l´autre se vidaient complètement, rendant la rue déserte ou le garçon qui balayait la sciure dans la salle déserte étaient des décors qui se répétaient à chaque dimanche et il en fait d´ailleurs référence à la fin du premier paragraphe : «c´était vraiment dimanche.»
Le soleil, le ciel, la lumière, tout ce qui fait partie de la nature en somme, conditionne dans l´œuvre de Camus et, dans ce texte aussi, la conduite de l´individu. Cela est bien compréhensible, si l´on tient en considération le fait que Camus est né en Algérie (où se déroule d´ailleurs l´action de L´Étranger), un pays ensoleillé (quand l´ouvrage a été écrit, l´ Algérie était encore une colonie française) où les décors sont tous naturels, ce qui a profondément marqué toute son œuvre. Mais, en reprenant le rôle tenu par la nature (et à plus forte raison par le soleil), on constate que le changement de temps météorologique coïncide avec un changement de décor dans la rue où habite Meursault. On peut aussi témoigner de l´influence que la nature exerce sur les gens. Dans le premier paragraphe, alors que la rue était encore déserte, «le ciel était pur mais sans éclat au-dessus des ficus qui bordent la rue».Dans le deuxième paragraphe, l´exemple est encore plus flagrant : «Le ciel s´est assombri et j´ai cru que nous allions avoir un orage d´été. Il s´est découvert peu à peu cependant. Mais le passage des nuées avait laissé sur la rue comme une promesse de pluie qui l´a rendue plus sombre. Je suis resté longtemps à regarder le ciel».
Dans le paragraphe qui suit, une fois chassée la menace d´orage, et au fur et à mesure que le temps se découvrait, les tramways devenaient plus fréquents et la rue n´était plus déserte.
Dans le quatrième paragraphe encore un changement de temps(le ciel est devenu rougeâtre) et par conséquent changement de décor : «Les rues se sont animées» ; «on se promenait».
Dans le tout dernier paragraphe, la métamorphose devient plus incisive. La lumière des lampes éclipsait les premières étoiles du ciel. Et la lumière agissait alors de toute sa puissance comme une force qui porte malédiction. C´est presque un paradoxe mais la lumière du soleil qui était plus dangereuse rendait néanmoins les gens plus gais alors que la lumière artificielle les éloignait puisqu´elle était synonyme de la tombée de la nuit. À mon avis, on peut établir un parallèle entre le cours du jour et la vie d´un être humain, ce qui ne me semble pas exagéré dans le cadre de la théorie de l´absurde de Camus. On ne sait quel temps va faire le lendemain, la seule certitude c´est que le jour se lève et la nuit tombe.
Dans ce texte tout semble s´enchaîner. Des phrases courtes et des paragraphes pas trop longs marquent une action précise et une succession de faits.
On se doit aussi de faire référence aux sensations. Dans ce texte les sensations que l´on relève sont essentiellement visuelles : «J´ai senti mes yeux se fatiguer à regarder les trottoirs avec un changement d´hommes et de lumières» et auditives : les bruits des tramways et des gens sur la rue.
Pour ce qui est des figures de style, on en trouve quelques exemples – la synesthésie : « le ciel est devenu rougeâtre» ; la métaphore : «Les cinémas du quartier ont déversé dans la rue un flot de spectateurs» ; «des grappes de spectateurs».
Quoique ce texte ne nous fournisse pas assez d´éléments sur les théories et la philosophie d´Albert Camus (notamment, le soleil ne joue pas ici son rôle incisif à l´instar de ce qui se passe dans d´autres moments de l´ouvrage), il n´en est pas moins intéressant puisque chaque chapitre joue un rôle important dans le développement de la théorie de l´absurde et du cours logique de la mainmise du destin sur l´individu. Le destin auquel on ne peut pas échapper.
Regardons la dernière phrase du texte : « Je pensais que c´était toujours un dimanche de tiré, que maman était maintenant enterrée, que j´allais reprendre mon travail et que, somme toute, il n´y avait rien de changé». Pour Meursault il s´agissait d´un jour (et d´un dimanche) comme beaucoup d´autres. Certes, sa mère était morte. Mais cela ne changeait rien. Puisque la mort est la seule certitude de la vie. Elle nous rejoint un jour ou l´autre. Aussi est-elle un fait banal.»

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