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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

vendredi 5 janvier 2018

La mort d´Aharon Appelfeld.



Le grand écrivain israélien Aharon Appelfeld, survivant de la Shoah, est décédé hier  à Petah Tikva, à l´âge de 85 ans. En guise d´hommage, je reproduis ici l´article que je lui ai consacré en 2006 et publié à l´époque sur le site de la Nouvelle Librairie  Française de Lisbonne:


Ahron Appelfeld, le survivant.



Ce fut après que son livre Histoire d´une vie eut été récompensé par le prix Médicis étranger 2004 en France, que nous avons découvert Aharon Appelfeld. Salué par le grand écrivain américain Philip Roth comme l´héritier de Kafka et de Bruno Schulz (voir nos suggestions de février), Aharon Appelfeld quoique moins connu internationalement que d´autres auteurs écrivant en hébreu comme Amos Oz ou David Grossmann, n´en reste pas moins un écrivain prestigieux en Israël. Et pourtant l´hébreu n´est devenu une langue courante pour lui qu´après son débarquement en Palestine en 1946. C´est que cet auteur aux racines juives est né le 16 février 1932 à Czernowitz, en Bucovine, ancien territoire de l´empire austro-hongrois, rattaché à la Roumanie après la première guerre mondiale, le même lieu de naissance d´écrivains comme Gregor von Rezzori ou Paul Celan qui, né en 1920, habitait sans qu´ils se connaissent, la même rue qu´Appelfeld. Sa langue maternelle, comme celle des deux autres écrivains cités, était donc l´allemand, quoique d´autres langues fissent partie de son quotidien comme le yiddish de sa grand-mère, le ruthène de la domestique ou le roumain parlé dans la rue.
Son univers paisible a été bouleversé en 1941 lorsque la fureur nazie, dans sa hargne persécutrice, s´est déchaînée à Czernowitz. À 8 ans il a découvert les affres du ghetto et entendu la détonation de l´arme qui a tué sa mère. À 10 ans il a été déporté avec son père dans un camp de Transnitrie d´où il s´est évadé, devant vivre caché dans la forêt pendant trois ans et entamant ainsi une errance qui l´a mené jusqu´en Palestine où il a assisté à la naissance du nouvel État d´Israël. Son père, ce n´est qu´au début des années soixante qu´il l´a enfin retrouvé, alors que chacun des deux croyait l´autre mort.
La plupart de ses souvenirs, il les a racontés, dans un style épuré, sobre et élégant, dans Histoire d´une vie, un livre où il nous dévoile les mécanismes qui sous-tendent son univers littéraire, gravitant essentiellement autour du silence, de la contemplation et de l´invention d´une langue. L´oeuvre d´Appelfeld est néanmoins immense : Le temps des prodiges , où il rend visibles les premiers signes de la montée du nazisme ; L´Immortel Bartfuss , où un ancien évadé d´un camp de la mort, persécuté par sa familie, se réfugie dans son passé héroïque ; Tsili qui raconte l´histoire d´une petite fille de douze ans qui se bat pour survivre ou L´amour soudain , la vie d´un vieil homme qui, grâce à l´amour d´une jeune fille, écrit sur son enfance dans les Carpates, ce qu´il n´avait jamais pu faire auparavant. Enfin,en octobre est paru, aux éditions de l´Olivier, le dernier livre d´Appelfeld traduit en français, Floraison sauvage , le récit d´un amour entre frère et soeur qui recrée à sa manière le couple d´Adam et Ève.
Aharon Appelfeld, écrivain de la Shoah ? Dans une interview accordée en septembre 2004 au Magazine littéraire, il repousse cette épithète : «Je ne prétends pas pouvoir comprendre toute la souffrance de la Shoah. J´écris sur moi comme être humain (...) il se trouve que l´Holocauste fut toute mon enfance (...) je parle donc de l´expérience, personnelle, que j´en ai faite...».

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