Une triste nouvelle m´a surpris cet après-midi: le décès de l´écrivain Simon Leys, nom de plume de Pierre Ryckmans, né à Bruxelles le 28 septembre 1935 et mort donc aujourd´hui à Canberra en Australie où il vivait depuis longtemps. Essayiste, traducteur,critique littéraire et prestigieux sinologue, il a nous a laissé nombre d´oeuvres de référence, comme Les Habits neufs du Président Mao; Essais sur la Chine;Protée et autres essais(Prix Renaudot de l´Essai, 2001);L´ange et le cachalot; Orwell ou l´horreur de la politique;La mer dans la littérature française(2 tomes);Studio de l´Inutilité(son dernier livre, publié en 2012)et La mort de Napoléon, une uchronie autour du décès de l´empereur français.C ´est justement sur ce livre, reparu en 2005, et sur un autre(inédit), paru la même année, que j´ai écrit quelques lignes pour le site de la Nouvelle Librairie Française de Lisbonne, en mai 2006. Ce texte- qui n´est plus en ligne-je le reproduis ici pour vous, chers lecteurs:
«En 1971
paraissait, sous la plume d´un jeune sinologue, né en 1935 en
Belgique, un livre qui s´intitulait Les habits neufs du
président Mao, une chronique de la révolution culturelle
chinoise à contre-courant de l´orientation pro-maoïste de la
plupart des intellectuels européens de gauche, notamment français,
de l´époque. Il faut rappeler que mai 68 était encore trop présent
dans les esprits et que le dénouement du Printemps de Prague, écrasé
par les chars du Pacte de Varsovie, avait mis fin à toute illusion
de rénovation du modèle soviétique. Flairant, dès avant la
parution de l´ouvrage, le tollé qu´il ne manquerait pas de
susciter, l´éditeur parisien, Champ Libre, a conseillé à
l´auteur, Pierre Ryckmans, de se choisir un pseudonyme. Sinologue et
épris de culture orientale, il a opté pour le nom sous lequel il
signe, depuis lors, tous ses livres : Simon Leys, en hommage au
héros du roman René Leys, écrit par un grand voyageur français
en Orient, Victor Segalen.
Aujourd´hui,
Simon Leys est un écrivain dont la réputation ne souffre pas
l´ombre d´une contestation. Couronnées de nombreux prix
littéraires, ses oeuvres font l´objet des commentaires les plus
élogieux, non seulement dans les pays francophones, mais aussi dans
le monde anglophone, une situation à laquelle ne serait pas étranger
le fait que l´auteur est, depuis des années, professeur
universitaire en Australie. Il tient d´ailleurs une chronique
mensuelle dans Le magazine littéraire , intitulée «Lettre des
antipodes». Parmi ses oeuvres de référence, nous nous permettons
de relever Protée et autres essais , prix Renaudot essai
2001, Les naufragés du Batavia , récit sur le naufrage en
1629 de la gloire de la Compagnie hollandaise des Indes orientales,
et une admirable anthologie, La Mer dans la littérature
française.
Les éditions
Plon ont publié, à la fin de l´année dernière, deux nouveaux
livres de Simon Leys : La mort de Napoléon et Les
idées des autres .
Pour le premier,
il s´agit, plutôt, d´une réédition d´un roman, paru en 1986, le
seul écrit, à ce jour, par l´auteur. Cette Mort de Napoléon
est une fiction, un tant soit peu parodique. Imaginons que
Napoléon Bonaparte ne serait pas mort en 1821 à Saint-Hélène,
mais aurait réussi à s´échapper et à regagner la France,
laissant un sosie à sa place, celui qui aurait véritablement
trépassé. Voyageant incognito à travers l´Europe, sous un
accoutrement qui le rendait méconnaissable, revisitant les lieux où
il avait livré quelques-unes de ses batailles, Napoléon vit une
foule de péripéties jusqu´à s´éteindre, enfin, sans avoir pu
accomplir son but : reprendre le pouvoir.
Ce roman, à
l´allure de conte philosophique, fut internationalement salué,
notamment par des auteurs comme Edna O´Brien, Julian Barnes et la
très regrettée Susan Sontag.
Dans Les
idées des autres , Simon Leys a compilé un intéressant
florilège de citations d´auteurs de toutes les époques et de
toutes les latitudes, soit en version originale (avec la traduction
en français) soit dans la langue où il les a découvertes (surtout
le français ou l´anglais), étant donné qu´il ne maîtrise pas
toutes les langues, bien entendu.
Ce sont des
citations, sur des sujets aussi divers que la mer («La mer, cette
patrie qui voyage avec nous...» de Chateaubriand), les best-sellers
(«Tout le monde ne tend à lire que ce que tout le monde aurait pu
écrire» de Paul Valéry), l´imitation («Imature poets imitate,
mature poets steal» (Les poètes immatures imitent, les poètes
accomplis volent) de T.S.Eliot) ou le tabac, entre autres («Insanity
has grown more frequent since smoking has gone out of fashion»
(L´insanité est devenue plus fréquente depuis que les gens ont
perdu l´habitude de fumer) de Samuel Johnson). Une citation, cette
dernière, qui n´est pas du tout dans l´esprit de notre temps...»
Les idées des autres : pour l'amusement des lecteurs oisifs de Simon Leys . Plon . Paris,2005.16,80 euros.
P.S-Malheureusement, un de ces livres-La mort de Napoléon-est, paraît-il, épuisé.
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